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Évangile selon saint-Marc

Mc 1, 1-8 : Un cri dans notre désert!

Si tout commençait par un cri, premier signe de notre désir de vivre dès la naissance! Notre vie dans ce monde est comme un long désert à traverser où l'envie de crier, comme un appel du dedans, peur être signe avant-coureur de nouveauté à venir.

            Notre tradition se nourrit de l'expérience de nos ancêtres qui, depuis longtemps, cultivent la certitude que Dieu entend le «cri de l'enfant». C'est la première prière montée de notre terre qui a touché le cœur de Dieu: «Dieu entend le cri de l'enfant» alors que c'est sa mère qui criait pour lui, lisons-nous dans la Genèse.

Le temps de l'Avent, en particulier, nous invite à écouter nos cris et ceux de notre monde. Nous sommes tentés de les faire taire, car, habillés de peaux de bête, ils sont souvent dérangeants. Nous voulons tellement avancer sans nous laisser arrêter! Pourtant les cris nous rappellent l'urgence de vérifier si les chemins que nous traçons mènent à une vie meilleure pour tous. Peut-être faudrait-il écouter et corriger certains tracés, même dessinés par des spécialistes.

Mais quels cris? Ceux des laissés-pour-compte en marge des autoroutes du progrès car on y file à folle allure. Ceux de l'enfant dans les femmes et les hommes qui n'ont personne et qui se découragent d'espérer un regard d'humanité. Ceux des gens qui n'ont aucun pouvoir politique pour sauver la terre de tous ces prédateurs qui la vident de ses ressources. Comment écouter la voix de ces personnes qui, comme Jean le Baptiste, crient dans le désert pour sauver les enfants de leurs enfants!

Ajustons notre cœur sur celui de Dieu pour écouter, avant qu'ils ne deviennent muets, ces cris qui brouillent les ondes des ténors de tout acabit! Ils sont le fidèle écho d'une humanité en douleurs d'enfantement.

Mc 1, 12-15 : Choisir la vie!

Jésus au désert avec des bêtes sauvages et des anges! Ces bêtes vivaient-elles ensemble dans l'harmonie comme celles dont parle Isaïe quand il rêve d'une humanité où l'amour circule librement?

Ce texte, chaque année inspire notre entrée en quarantaine. Ce temps, appelé carême, a pris pour moi un sens jamais oublié depuis 1963, avant Vatican II. Jeune religieuse, je suis alors aux études et je me retrouve avec un petit groupe pour la célébration du mercredi des cendres. Un missionnaire tout juste arrivé d'Afrique, très fatigué, préside, assis, notre assemblée. Après la proclamation de l’Évangile, il commence son sermon murmurant tout bas: «Le carême commence, on va encore parler de mortification». Puis, à notre surprise, il rassemble ses forces pour dire haut et fort: «on est tous à moitié morts, grand Dieu! C'est la mort qu'on veut fêter à Pâques ou c'est la vie? Si c'est la vie, parlons donc de vivification et, pendant le carême, débarrassons-nous de ce qui nous fait mourir ou fait mourir autour de nous!» Il ajoute quelques exemples du quotidien qui font rire mais...qui tracent un sillon!

Je retiens combien cela rejoint le jeûne apprécié de Dieu dont parle Isaïe! Quel beau programme pour nous préparer à Pâques: décider, pendant quelques semaines privilégiées, de nous débarrasser de ce qui fait mourir nos relations, notre espérance, nos amours, notre santé physique, mentale ou spirituelle, notre environnement! Tant de petits détails, manies, réactions, routines ou habitudes rendent la vie difficile, empoisonnent les relations.

C'est le temps d'ouvrir les fenêtres. Que le bon vent époussette nos vies! Que des pousses neuves fassent craquer l'asphalte! Que la sève d'amour circule dans toutes nos branches endormies! Faisons cœur ouvert au printemps! Laissons monter doucement la mélodie d'un bel alléluia tout neuf pour fêter Pâques! 

Mc 1, 14-20 : Offre d'emploi!

L'appel des disciples, dans saint Marc, est d'une belle simplicité et d'une grande profondeur. Cet appel n'est pas réservé à quelques privilégiés. Il s'adresse à toute personne, car Jésus est la lumière qui éclaire chaque homme, chaque femme, en ce monde! «Tout être humain, qu'il soit d'Orient ou d'Occident, est orienté vers le Christ» (Durckheim) .

Des enfants ont illustré ce texte. Émerveillée, j'ai découvert avec eux notre vocation humaine et notre mission commune. Appelés par Jésus, les deux premiers frères quittent leurs filets et prennent la route à la sa suite. Ils sont trois quand Jésus appelle les deux autres frères qui, eux, quittent leur barque, leur père et les employés. Les voilà maintenant cinq à marcher, Jésus en tête.

Les enfants ont compris que les quatre pêcheurs avaient tout quitté pour faire confiance au Père de Jésus et, marchant avec lui, appeler d'autres frères et sœurs. De deux paires de frères séparés, ils sont devenus cinq frères. Voilà donc, bien révélée, la vocation humaine: comme fils et filles de Dieu, tout faire pour devenir une communauté de frères et de sœurs afin de partager la même mission dans le monde: repêcher les êtres humains.

Quand j'ai demandé aux enfants comment feraient les disciples pour pêcher les humains, à la place des poissons, puisqu'ils n'avaient plus de barque ni de filet, ils ont vite répondu: plonger! Voilà la mission qui nous attend quand, appelés, nous voulons suivre Jésus dans la voie de l'amour: plonger avec lui dans la profondeur de la misère humaine, souvent représentée par la profondeur des eaux, non pour prendre les humains dans des filets mais pour les déprendre de leurs filets! Car même là sa main nous conduit!

Combien sommes-nous maintenant à marcher avec Jésus pour en appeler d'autres à pêcher des humains?

Mc 1, 21-28 : Attention aux allergies!

Comment se fait-il qu'un homme tourmenté par un esprit mauvais sente la présence de Dieu en Jésus alors que même les scribes et les pharisiens ne voient en lui, et jusqu'à la fin, que l'homme de Nazareth? J'en arrive à penser qu'il s'agit d'allergie. Car seules, par exemple, les personnes allergiques au chat peuvent sentir, dans une salle, la présence d'un félin invisible et silencieux; elles éternuent!

Eh bien! Les esprits mauvais éternuent; ils doivent sentir le divin invisible en Jésus! Seraient-ils allergiques au Dieu de la vie? Je me souviens d'une petite fille tellement blessée qu'elle était allergique au moindre toucher. Personne ne pouvait l'approcher; elle se recroquevillait pour se protéger. Il a fallu l'apprivoiser, lui injecter de loin un peu de tendresse à la fois... C'est ce que fait Jésus aujourd'hui avec l'homme qu'il rencontre. Pour entrer en relation avec lui, il ouvre une brèche et lui injecte un peu de ce à quoi il est allergique: une petite dose d'amour.

C'est pourtant jour de sabbat et dans la synagogue que cela se passe. Si l'homme n'éternuait pas avant la venue de Jésus, serait-ce que Dieu n'était pas là? Dans l'Ancien Testament, on voit Dieu quitter le temple avec sa gloire car les gens ne vivent pas la Loi de l'Amour! Ne chantons-nous pas : «où est amour et charité, Dieu est là», alors? J'ai déjà entendu des gens éternuer dans certaines églises quand, par exemple, des jeunes sont venus avec des danses... Ils éternuaient: ça ne se fait pas ici, on n'a jamais fait cela! Et les jeunes sont partis danser ailleurs la nouveauté qu'ils étaient.

Être allergique aux changements, serait-ce être allergique à Dieu qui est Vie? Cette vie qui n'en finit pas d'être neuve! Qu'est-ce qui me fait éternuer? 

Mc 1, 29-39 : La rencontre qui guérit

Un jour on m'amène chez madame Cohen dans sa roulotte de Neuville. Tôt le matin, des gens de partout y étaient entassés en attente silencieuse. On venait à elle comme à un dernier recours quand les médecins ne pouvaient plus rien pour l'enfant qu'on serrait dans ses bras ou pour ces adultes, un tantinet gênés, craignant d'être jugés naïfs ou crédules. Une folle espérance nous unissait, car la belle dame au châle blanc avait des yeux R-X.

Ce jour-là, je me suis imaginée au temps de Jésus. J'ai compris les foules qui le pressaient de partout espérant qu'il guérisse leurs malades. On le sentait libre de toute loi, car il touchait sans peur d'être contaminé. Comme si une force à l'intérieur de lui touchait ce qui était blessé chez les gens; son contact, plein d'onction, guérissait toujours de quelque maladie! Tout le monde le cherchait bien entendu. Mais je comprends que Jésus se sauvait parfois, dans sa bulle, pour faire le plein de la force reçue du Père...

Aujourd'hui, j'ai simplement le goût de m'offrir une visite fraternelle dans les hôpitaux, centres de santé ou infirmeries. Et croiser le regard de chaque personne en attente d'une rencontre qui guérit, celle qui écoute avec compassion, touche avec tendresse, met un peu de baume sur une plaie. Une sorte de rencontre aux mains nues: sans seringue ni médicament, sans hostie ni images, sans tout ce qui peut et doit s'offrir, mais seulement après avoir pris le temps.

Je désire aussi m'approcher de ces personnes qui prennent soin de celles qui sont malades dans leur corps, leur cœur, leur âme. Et les remercier d'être la "mémoire de Jésus", car elles font aujourd'hui ce qu'elles aiment de Lui. Quel bel hommage elles rendent ainsi à Jésus!

Mc 1, 40-45 : Mal dans sa peau!

Ça semble peut-être facile pour nous qu'un lépreux vienne à la rencontre de Jésus le suppliant de le guérir! Et pourtant c'était loin de l'être en ce temps-là! Une personne atteinte de la lèpre était, par la loi, exclue de la société; elle annonçait même sa venue par une clochette pour que les autres aient le temps de déguerpir. La lèpre était considérée contagieuse et nous savons maintenant qu'elle ne l'est pas. Mais comment quelqu'un peut-il guérir s'il est coupé de toute relation?

Il y a encore des lépreux à qui il faut grande dose de courage pour approcher une autre personne. Et un désir fou de s'en sortir! Oui des lépreux, il y en a! Comme ces gens mal dans leur peau qui ont le sentiment que les autres s'éloignent sur leur passage. Mal dans leur peau, ils sont mal partout où ils sont. Il arrive même qu'ils avertissement de leur passage pour voir comment les gens vont réagir ou pour leur donner le temps de quitter les lieux. J'en ai rencontré. Vous, en avez-vous rencontré? Peut-être le sommes-nous ou l'avons-nous été nous-mêmes? Mal dans sa peau d'homme ou de femme. Honteux d'avoir été touchés par des prédateurs sans l'avoir été par des mains de tendresse. Même quand des personnes sont libérées, peut-être leur faut-il un billet d'attestation pour que les autres, rassurées, les accueillent dans leur rang. Les préjugés comme les peurs sont si tenaces!

Suivre Jésus, c'est peut-être nous rendre approchables comme il l'était! Devenir des hommes et des femmes sans peur d'être contaminés, des hommes et des femmes au cœur pur qui peuvent toucher l'autre avec un infini respect. Des hommes et des femmes de compassion qui ont dans le cœur ce fol amour qui ne peut venir que de Source! 

Mc 4, 26-34 : Ça pousse tout seul!

La liturgie nous sert aujourd'hui la parabole que je préfère et que seul Marc nous fait connaître. Jésus parle d'une semence mise en terre qui pousse d'elle-même jusqu'à la moisson! Nuit et jour, que le semeur dorme ou soit éveillé, la terre, patiemment, produit le fruit dont la semence porte le secret!

Je revois ma mère revenir du jardin qu'elle venait d'ensemencer. Rangs de radis, rangs de carottes, rangs de choux, rangs de maïs et, plus nombreux, rangs de patates. Elle essuyait ses mains mouillées avec son tablier et disait, les yeux pleins de sourire : «C'est donc mystérieux! Ça va pousser tout seul maintenant...et les radis vont arriver les premiers! Mais vous allez sarcler avec moi de temps en temps pour gagner vos cahiers d'école!»

Il me semble voir Dieu entrer se reposer après avoir insufflé son souffle vital en toute semence! Il s'est retiré de son œuvre. Il y croit en son souffle car il laisse les germes travailler patiemment jusqu'à l'accomplissement de toutes choses! Il donne soleil et pluie mais compte sur nous pour semer, sarcler et ainsi gagner notre vie! Il affirme même  que la semence de son Royaume, pourtant la plus petite de toutes les semences, est la promesse d'un arbre qui va dépasser toutes les plantes...

Faut-il que Dieu soit sûr du germe vital déposé au cœur de toute sa création! Il assure qu'au terme, notre monde sera le fruit dont rêve son cœur. Il a bien dit, autrefois, par le prophète Isaïe, que sa Parole, comme semence du royaume, ne reviendrait pas sans avoir réussi sa mission! Mais, même avec une foi solide, comment savoir ce que promettait le germe sans avoir vu le fruit? Et c'est long l'histoire du monde! Place à l'espérance!

Mc 5, 21-43 : Vouloir vivre...

L'évangile nous présente deux femmes. L'une, âgée de douze ans, en train de mourir dans la maison du chef de synagogue qui est son père; l'autre, exclue depuis douze ans de toute relation par la loi juive à cause de sa perte de sang. Au chef religieux, Jésus dit : «crois seulement»; à la femme : «Ta foi t'a sauvée».

Qu'est-ce que la foi? C'est peut-être vouloir vivre à tout prix! Un jeune homme fragile a affirmé cela au retour d'un pèlerinage de six cents jours autour du monde. St-Exupéry l'a aussi dit à sa façon: faire un pas de plus! Croire, ne serait-ce pas obéir à un «instinct» de vie au point de lutter contre tous les obstacles, internes et externes, et aller chercher le secours là où il se trouve.

Pour le chef religieux, ce fut de quitter sa fonction et d'aller supplier l'homme de Nazareth. Et si cela l'avait amené à devoir laisser le père se réveiller en lui afin d'offrir à sa fille la relation dont elle avait besoin pour grandir? Jésus lui dit que l'enfant n'est pas morte mais endormie. Il met tout le monde dehors, sauf le père et la mère ainsi que trois disciples, pénètre là où est la jeune fille et lui ordonne de se lever. Puis il la remet à ses parents leur commandant de combler sa faim...

La femme atteinte d'une perte de sang veut tellement guérir qu'elle défie la loi d'impureté pour aller toucher le vêtement de Jésus. Dès qu'elle le touche, elle est immédiatement guérie, à l'étonnement de Jésus lui-même. Si la puissance divine passe par le corps de Jésus, pourquoi ne traverserait-elle pas son vêtement?

Le sens, le but de la vie n'est-ce pas la Vie elle-même? Si c'était elle qui lutte en nous!

Mc 6,1-6 : D'où vient-il?

Jésus méprisé dans son pays, sa famille, sa propre maison! Tous sont profondément choqués à cause de lui. Mais pour quelle raison? Parce que son enseignement est nouveau et que ses mains font des choses qui frôlent le miraculeux?

D'où cela lui vient-il? Quelle sorte de sagesse lui est donnée se demandent les gens de Nazareth en ce jour de sabbat. Ils croient pourtant connaître ce charpentier, fils de Marie; ses frères et des sœurs sont de chez eux! Jésus ne peut rien faire pour eux parce qu'ils n'ont pas la foi. Mais il impose quand même les mains et guérit quelques malades,  

En fait, Jésus a sûrement beaucoup appris de Joseph et de Marie. Comme mesurer et travailler le bois; semer et récolter; puiser l'eau et faire le pain... Mais il y a en lui quelque chose d'intrigant qu'il n'a pas dû recevoir de Marie ni de Joseph; ça dépasse leur entendement à tous! Mais d'où Jésus reçoit-il donc cette sagesse nouvelle qui remet en question les connaissances que les gens ont de lui et de sa famille?

Est-il possible de dépasser ses acquis pour découvrir que l'identité de chaque être est un Don reçu de celui qui est Père d'une autre famille? L'Amour donne un nom unique à chaque personne. Il enseigne une nouvelle sagesse et fait pâlir toutes les autres puissances. 

Comme Jésus, les nôtres viennent d'un ailleurs mystérieusement étranger. Il arrive que nous soyons parfois déboussolés par eux alors que nous pensions les connaître comme «si nous les avions «tricotés»! Mais...écrivit une femme de 72 ans avant de mettre fin à ses jours : «Ne vous fiez pas trop à ce que l'on dit de moi, ne vous fiez pas à mon extérieur, à ma famille. Que savez-vous de mon intérieur?»

Mc 6, 7-13 : Envoi deux à deux...

Pour continuer la mission qu'il a commencée, Jésus envoie ses disciples deux à deux et leur Donne de partager son autorité pour briser les forces du mal. Les «envoyés» forment donc un réseau de deux disciples en alliance de confiance entre eux et tous unis par un troisième, le souffle divin.

Pourquoi prendre la route les mains nues, le cœur libre? Probablement pour permettre aux gens chez qui ils se présentent d'expérimenter la joie de donner. D'ailleurs, s'ils apportent des choses à offrir ou qui peuvent chatouiller la convoitise, en arriveront-ils à se donner eux-mêmes? Et s'ils ont tout ce qui leur faut de sorte qu'ils n'ont rien à recevoir des autres, comment vivront-ils la rencontre véritable qui est un échange de dons? Par contre s'ils n'ont rien à donner, sauf leur présence, ils seront peut-être alors disposés à demeurer dans la maison où ils entrent pour vivre l'accueil mutuel en vérité.

Si jamais ils ne sont pas accueillis, Jésus demande aux siens de quitter la maison sans laisser coller à leurs semelles la frustration d'un refus afin d'éviter d'en traîner la poussière chez les autres. La sérénité et l'urgence de continuer simplement la mission confiée parleront un jour en faveur des disciples contre ceux ou celles qui refusent de les accueillir. Que les disciples continuent d'insister avec patience sur le retour à l'essentiel : la juste relation entre les humains, celle qui peut chasser les démons et guérir ces maladies qui empêchent ou rendent difficile la rencontre des autres.

Que les «envoyés» gardent le coeur fixé sur le but de la mission : le royaume des relations réussies sur terre comme au ciel, le pain et le pardon partagés et qu'ainsi le Nom divin, qui est Amour, soit reconnu et chanté par tout l'univers.

Mc 6, 30-34 : Brebis sans berger!

Les gens, en foule, courent après Jésus. Arrivant avec ses disciples dans un endroit désert, jésus est touché de compassion à la vue des gens qui l'ont devancé. Il flaire en eux des brebis sans berger. Disant cela, Jésus prononce, indirectement, une évaluation quand même sévère du système religieux de son temps! 

Dans les synagogues, dans le temple, chefs et grands-prêtres n'étaient-ils pas chargés d'instruire les foules? Mais des gens, le cœur insatisfait, désertent pour courir après un pauvre galiléen! De quoi peut-on avoir faim pour oublier de manger et suivre à la trace quelqu'un qui donne du souffle? 

Dans son dernier livre, Maurice Bellet, presque nonagénaire, nomme quatre faims que la faim d'amour contient toutes : faim de pain, de parole, de place et de parcours. La faim de pain, sous toutes ses formes, est la première qui dévore la chair, c'est évident... Il y a aussi la faim de parole, ce désir de relation, de rencontre et d'échanges; tant de gens souffrent de n'avoir personne. Puis  la faim d'être appelé par son nom, d'occuper une place, sa place au soleil, dans le vocabulaire et dans le regard des autres. Enfin, la faim d'un parcours, d'un compagnonnage dans le sens qu'inspire la vie.

Jésus nourrit en donnant tout de lui à manger. Loin d'être un beau parleur, son être est parole vive qui confirme, relève. Le cœur gorgé de désir, il va à la rencontre de l'autre, lui fait une place d'enfant libre au milieu des siens. Il s'engage même à aller préparer, pour chaque personne, une place dans le royaume promis... Il ouvre une voie, accompagne un parcours. Qui le suit marche en pleine lumière. Il s'engage dans la voie qui mène à la vie... ruelle étroite et encore trop peu fréquentée qu'est l'amour

Mc 7, 1-8.14-15.21-23 : Laisser l'amour de côté!

Certains disciples, dans saint Jean, ont mis Jésus de côté après son invitation à manger sa chair. Je me glisse parmi ceux qui ont trouvé un goût d'éternité dans ses paroles et qui lui sont demeurés fidèles. C'est maintenant saint Marc qui nous invite à marcher avec Jésus vers de nouvelles rencontres dont celle d'aujourd'hui qui n'est pas de tout repos. Mais je ne peux l'esquiver. Je m'y expose à vif.

Jésus déclare que laisser de côté le commandement de Dieu, gravé au fond du cœur, pour s'attacher aux manifestations extérieures des traditions anciennes, c'est être hypocrite. Cette parole est dure à digérer. Et pourtant elle est belle. Comment Jésus, qui aime de tout son être, peut-il parler sur ce ton aux pharisiens et aux scribes qui le suivent pour l'épier? Qu'est-ce qui l'atteint à ce point?

J'ai souvenir d'un père de famille désespéré de la conduite de son beau grand gars qui ne voulait rien savoir. Alors que son fils allait partir, le père donne un coup de poing sur le capot de la voiture en échappant: "Vas-tu te réveiller?" Le fils déguerpit en faisant crisser les roues de sa voiture... Quelle impuissance d'amour dans ce père! Souffrir dans sa chair de voir son fils en "hypo", en manque de ce qui fait qu'un homme en est un vrai, et ne pouvoir rien faire!

Jésus se sentirait-il ainsi devant ses frères pharisiens et scribes? Il voit la beauté originelle de l'amour emprisonné au fond de leur cœur, souffre de les sentir "en manque" par rapport à leur être de vivants. Il sait combien leur milieu en souffre aussi. Il frappe fort espérant que leur cœur se réveille avant qu'il ne soit trop tard, car une personne qui n'aime pas est en danger de devenir homicide!

Mc 7, 31-37 : Écouter avant de parler!

Quand les oreilles s'ouvrent, la langue se délie et la personne parle correctement, raconte l'évangile. Surdité et mutisme! Les oreilles et la langue semblent jouer de concert. Faut-il pouvoir et savoir écouter pour parler correctement?

J'ai connu autrefois un petit garçon dont les deux parents étaient sourds. Lui, il parlait sans aucune retenue et discernement comme pour tout dire sans rien dire. Aurait-il appris par la seule télévision qu'on peut parler de n'importe quoi sans se soucier d'écouter, encore moins d'être écoutés par des téléspectateurs? Comme si on apprenait à se parler à soi-même alors que la parole implique une mutualité.

Souvent, dans la Bible, Dieu lui-même nous demande d'écouter. Le refrain "Écoute, Israël" y revient comme appel ou reproche. Je n'y ai pas souvent lu: "Parle, Israël!" Jésus a écouté pendant plusieurs années avant de commencer à parler. Il a écouté Marie, Joseph, ses contemporains, ses ennemis mais surtout son Père. La Parole accueillie par tous ses sens, Jésus l'a laissée parler par lui et il arrivait " en ce temps-là quelque chose de bon, de neuf. En lui, la Parole devenait bonne nouvelle!

Au slogan de Radio-Canada "Écouter pour voir", il faudrait peut-être ajouter "Écouter pour parler"? Nos oreilles ont besoin d'être touchées pour que devienne libre le chemin entre elles et notre cœur et que nous puissions parler avec justesse. Amenons-nous donc à Jésus les uns, les unes les autres. Demandons-lui de mettre ses doigts dans nos oreilles, de toucher notre langue de sa salive. Avec lui, écoutons Notre Père pour parler correctement à ses enfants. Un proverbe africain dit: "Si tu parles à quelqu'un qui ne t'écoute pas, tais-toi! Écoute-le; peut-être que tu comprendras pourquoi il ne t'écoute pas".

Mc 8, 27-35 : Tel est Jésus, tels nous sommes!

Qui est Jésus? Il ne se laisse comparer ni à Jean-Baptiste, ni à Élie, ni à un ancien prophète. Il désire plutôt amener ses disciples à dépasser ce qu'on pense et dit de lui, même l'image qu'on se fait du messie attendu.

C'est très important de savoir qui est Jésus, car il vient révéler qui nous sommes. Le paraître et le faire, même les actes et les paroles de puissance ne disent pas tout d'une personne. Comment connaître son identité véritable? N'est-ce pas en découvrant, souvent après coup, ce qui reste d'elle quand elle est dépouillée de tous ses titres, vêtements de scène, masques, etc.

Jésus désire amener ses disciples plus loin dans la découverte de son identité. Ce qu'il est, ni le rejet, ni; la mort infâme ne peuvent le détruire. C'est ce qui lui restera quand on pensera lui avoir tout enlevé. Les gestes de puissance ne peuvent démontrer cela; ils peuvent même tromper! Jésus ne veut certes pas tromper les siens, encore moins Pierre, sur ce qu'il est en vérité. Seule la traversée de la mort, non les miracles, peut révéler d'où vient Jésus, qui il est.

Jésus n'a jamais promis que, par la foi, nous jouirons du privilège de passer à côté ou par-dessus la souffrance et la mort. Il est venu révéler, en expérimentant ce que nous appelons la mort, que nous avons ce qu'il faut pour passer dedans et demeurer vivants! Le souffle reçu de Dieu est Amour, il est promesse de Vie éternelle. Voilà ce que signifie être enfant de Dieu. Nous échappons peu à peu de précieux pans de notre identité humaine, mais jamais nous ne; serons des ex-enfants de Dieu! Comme Jésus, nous vivons maintenant pour Vivre toujours! L'espérance ne nous décevra pas!

Mc 9, 2-10 : Les yeux fixés sur Jésus...

Pierre, invité par Jésus à monter sur la montagne, a été marqué à jamais par une lumière et par parole. Pasteur, il emploie tout son zèle à garder les siens éveillés pour qu'ils puissent, après son départ et en toute occasion, se remettre tout cela en mémoire. (2 P 1, 12-21)

Une chose est sûre: Pierre, quand il écrit, a fortement réalisé que la parole adressée à Jésus: «Celui-ci est mon fils bien-aimé qui a toute ma faveur» est toujours sur les ondes. Elle est dite pour être entendue de tous les humains de toujours, de partout, Pierre ne se voit plus que dans la lumière de Jésus. En effet, lui, Moïse, Élie, Jacques et Jean étaient tous ensemble, sous la même nuée, formant un seul corps avec Jésus  quand cette «parole prophétique» se fit entendre. Il sait que tous, fils et filles de Dieu en Jésus, nous formons avec Lui un seul corps de mort et de gloire! Nous vivons sous la même tente!

Pierre nous invite donc à fixer notre regard sur Jésus comme sur une lampe dans l'obscurité, jusqu'à ce que sa lumière brille aussi dans nos cœurs. Car, Pierre ne l'oubliera jamais, Jésus dont il a vu, un seul instant, l'éblouissante beauté intérieure, était habité de la même lumière quand on l'a bafoué, cloué à la croix. Il n'avait plus alors d'apparence humaine, mais il était toujours fils bien-aimé de Dieu!

«Les yeux fixés sur Jésus, entrons dans le combat de Dieu», disons-nous dans la prière du matin pendant le Carême. Entrer dans le combat de Dieu, c'est demander de voir en tout être humain la beauté intérieure qui l'habite, comme une lampe du sanctuaire qui brille dans l'obscurité des grandes églises du monde! Tel est Jésus, tels nous sommes!

Mc 9, 8-43.45.47-48 : Faire des miracles...

Qu'est-ce que faire un miracle sinon faire que les humains vivent à leur meilleur, que soit améliorée leur qualité de vie, rétablie l'harmonie entre eux et avec tout l'univers? La mission ne consiste-t-elle pas à épouser la passion de Dieu pour le monde! Heureuses les personnes qui partagent cette passion, les miracles sont à leur portée! D'autant plus que nous sommes greffés du Souffle de Jésus pour faire des «œuvres plus grandes que les siennes«!

Et qu'est-ce pécher, sinon briser les relations, endommager la qualité de vie, atteindre à la dignité des personnes? Le miracle s'inscrirait-il dans un mouvement contraire? J'entends parfois: "C'est un vrai miracle, la circulation est fluide!" ou encore: «tout le monde se parle aujourd'hui, c'est un miracle!» Les routes sont inventées pour la bonne circulation; les humains sont équipés pour vivre ensemble... Et quand cela arrive, spontanément, on crie au miracle! Quel est le plus grand miracle? Quand un coeur fait pour aimer en arrive à aimer!

Alors, si nos mains, ce qu'elles fabriquent, mettent en danger l'harmonie, la qualité de vie, il vaudrait mieux couper là-dedans pour éviter certaines désastres. Si nos pieds nous portent vers des voies menant à la folie humaine, il serait préférable de couper là-dedans, de renoncer à certains chemins. Et si nos yeux se nourrissent de scènes qui incitent à la violence, aiguisent des appétits qui peuvent altérer la vérité des relations quotidiennes, vaudrait peut-être mieux couper là-dedans aussi. N'est-il pas préférable d'avoir et de faire moins mais d'être heureux et d'aider à être heureux!

Chaque personne fait ses miracles avec des petits verres d'eau donnés par amour! Regardons bien : tant de gens ont à cœur de faire que des humains et leur environnement soient en santé et s'entendent bien! Et ça arrive!

Mc 9,30-37 : Qui accueille Dieu?

«De quoi discutez-vous» sur le chemin de l'école, de l'hôpital, de la mairie, de la sacristie, de la maison, de l'usine, du centre d'achats, du syndicat, de l'assemblée nationale, etc?  Voilà la question que Jésus pose aujourd'hui. Peut-être avons-nous envie de nous taire comme font les disciples qui discutent entre eux pour savoir qui est la ou le plus grand, le plus important, le plus crédible…

Ne craignons pas! Jésus ne fait aucun reproche aux Douze qu'il vient de choisir. Il les invite plutôt à sortir d'une mentalité de rapports de force pour devenir ce qu'il est lui-même: serviteur de tous les frères et sœurs. C'est ainsi qu'il est premier sur la voie de l'amour où il s'est engagé. Heureux d'être lui-même enfant de Dieu, il place un enfant au milieu des apôtres et l'embrasse. Les apôtres voient-ils le lien? Saint Paul l'a saisi: "Cherchez à imiter Dieu comme des enfants bien-aimés; suivez la voie de l'amour à l'exemple de Jésus qui vous a aimés et s'est livré pour vous. " (Ep 5,1)

C'est long d'apprendre dans nos tripes qu'accueillir un des enfants de NOTRE Père, c'est accueillir Jésus lui-même et qu'accueillir Jésus c'est accueillir Celui qui l'a envoyé! Pas de discussion là-dessus ni de longs discours! Pierre entendra trois fois Jésus ressuscité lui dire que l'aimer, Lui, c'est prendre soin des siens, de tous les siens sans distinction.

Il est peut-être facile d'accueillir Jésus en gloire! Mais Jésus défiguré qui ne ressemble plus à un être humain! Jean Vanier disait qu'on ne peut s'agenouiller devant un crucifix de bois ou d'or si on ne s'agenouille pas devant nos frères et sœurs crucifiés. C'est bien collé au message que Jésus désire faire saisir à ses apôtres, à nous aujourd'hui qui pensons ou désirons l'être. 

Mc 10, 2-16 : Homme et femme!

Comment gérer les différences? Que de files d'attente pour demander aux tribunaux de régler les conflits entre personnes ou groupes de cultures, langues, religions différentes! La différence de base, fondatrice donc essentielle, est celle du masculin et du féminin. Cette différence est constitutive de l'ÊTRE humain créé à l'image de Dieu, capable d'assumer avec lui la suite du monde. Elle est présente en chaque personne mais elle se concrétise dans des hommes et des femmes.

Jésus dit : «ce que Dieu a uni, qu'on ne le sépare pas!». Le mot latin, traduit par "uni", parle de conjugalité (conjuxit). Dieu crée les êtres humains différents pour qu'ils vivent non en opposition ni seulement en complémentarité. Il les appelle à conjuguer les dons qu'ils sont et ceux qu'ils ont pour la beauté du monde. Non seulement à l'âge du mariage mais dès le jeune âge et à tout âge! Les projets de vie, leurs lois, leur accomplissement, peuvent-ils être image de Dieu s'ils excluent, à un moment ou à l'autre, une part d'humanité?

Opposer les différences, c'est entrer dans le jeu des rapports de force et ça engendre beaucoup de frustrations, voire de violence. Considérer les différences seulement comme complémentaires, c'est fonder les relations sur le besoin qu'on a de l'autre. Ces relations ne durent pas plus longtemps que le besoin. Tant de personnes ont peur d'être mises de côté, dans un domaine ou l'autre, si jamais on trouve quelqu'un-e de meilleur, de plus efficace ou de plus...! La conjugalité naît d'une alliance de confiance consentie entre personnes libres, capables d'écoute, de don, de croissance.

Voir les différences comme menaçantes, vouloir répudier l'autre pour une raison quelconque, serait-ce signe d'un endurcissement des cœurs? Apprendre à vivre ensemble, égaux et différents: quel beau grand défi!

Mc 10,17-30 : Sous un regard d'amour!

Un jeune "pouceux" m'a aidée à goûter l'interpellation de Jésus. Il avait cueilli de beaux coquillages pour les offrir à sa mère. Mais il entendait une voix lui murmurer au-dedans : «Remets-les donc à la mer. Peut-être que tu vas trouver quelque chose de plus beau». Mais il en ramassait d'autres...Il se décida enfin, avec regret, à les remettre à la mer...Il continua sa marche sans savoir ce qu'il trouverait et aperçût un point brillant dans le sable...Il découvrit un petit crucifix en métal, tout patiné par le travail des vagues, et l'offrit pour la fête des Mères.

Nous avons assez vécu pour avoir acquis de multiples richesses. Affectives, intellectuelles, matérielles. Des expériences, des connaissances, des relations, des certitudes, des avoirs. Elles sont belles, bonnes et justes ces richesses. Mais un jour vient où nous nous demandons peut-être quoi faire pour vivre jusqu'au bout et même après le bout. Nous avons conscience d'avoir fait de notre mieux depuis notre jeunesse, mais un vent du large nous chatouille au-dedans...

Comment me laisser bouleverser aujourd'hui par le regard d'amour de Jésus et la suggestion qu'il fait : échanger mes richesses pour ce dont les personnes en manque de quelque chose ont le plus besoin? Quitter mes certitudes d'avoir été correcte jusqu'à présent...n'est pas facile; ça peut rendre triste pour un temps. Mais si jamais les gens tout autour avaient moins besoin de mes certitudes, de mes expériences, de mon avoir que d'un pain de présence, de place, de parole...!

Peu importe notre âge, Jésus nous propose aujourd'hui non de jeter mais de remettre quelque chose à l'océan d'amour pour le suivre dans la voie qui mène à la Vie. Répondre à son appel peut faire mal car chaque personne a ses grands biens et ignore ce qu'elle trouvera! 

Mc 10,35-45 : Quel pouvoir?

Jésus n'est pas venu pour être servi. Il ne demande pas plus à être servi maintenant! Il désire, par chacun, par chacune de nous, offrir sa vie pour donner ses chances à toute personne, frère ou sœur, qui attend un matin au goût d'espérance!

Le disciple n'est pas au-dessus du maître! C'est facile de s'indigner, comme les dix disciples, parce que deux confrères ont fait du lobbying auprès de Jésus pour exercer le pouvoir à ses côtés. Sont-ils indignés à cause de la demande faite ou déçus d'avoir été devancés dans leur propre attente? Eux seuls pourraient le dire, bien sûr!

Jésus répond simplement aux deux frères qu'ils ne savent pas ce qu'ils demandent. Il leur redit ce qu'il peut faire pour eux: les inviter encore et encore à marcher à sa suite sur la route du seul pouvoir que nous donne le Père, celui de l'amour. Exercer ce pouvoir n'est pas de tout repos. C'est plonger dans une sagesse tout autre, c'est consentir à boire avec Jésus à la coupe du sang versé par amour. 

Jésus invite tous les disciples à ne pas se modeler sur les chefs qui ne savent guère mieux et qui commandent aux autres, ni sur les grands qui font sentir leur pouvoir par leurs vêtements et leurs trônes. Devenir grand, aux yeux de Jésus, c'est devenir grand comme notre Père est grand. Grand par l'amour qui élargit l'espace du cœur et qui justifie la seule compétition «humanisante» : le service les uns, les unes des autres. 

Le message de Jésus est décapant. Pour les personnes qui exercent ou désirent exercer le pouvoir comme pour les autres qui s'en indignent! Pour ne pas me dérober, je demande à connaître mes petits moyens, devenus inconscients peut-être, d'exercer un contrôle sur quelqu'un.

Mc 10, 46b-52 : Crier de plus belle!

Comment un laissé-pour-compte peut-t-il rebondir et faire route avec les autres? Voilà ce qui arrive à Bartimée, un «mendiant aveugle assis au bord de la route». Bar-timée signifie «fils à Timée». Tout commence par ce cri qu'il adresse à Jésus : «aie pitié de moi!». Non pas pour que Jésus dépose quelque chose dans sa gamelle mais pour qu'il prenne soin de son «moi». Par son cri, Bartimée dérange la foule qui, suivant Jésus, l'interpelle vivement pour qu'il se taise. Faut bien avancer avec Jésus, non! Mais le «gars» à Timée crie encore plus fort pour que Jésus prenne pitié de lui!

Voici la première étape du «miracle»: Jésus arrête la marche et demande à ceux qui, avec conviction, veulent faire taire Bartimée de l'appeler! Ils appellent donc l'aveugle: «Confiance! Lève-toi, il t'appelle!». L'aveugle jette son manteau, maison de mendiant, bondit et court vers Jésus dont il flaire la présence. Quel miracle que de changer des «faisant-taire» en des «appelant»

Deuxième étape : Jésus demande à  Bartimée, qui est maintenant un homme debout, de lui dire ce qu'il attend pour lui-même. «Rabbouni, que je voie!» répond-il. Sans rien faire, Jésus lui déclare que sa foi l'a sauvé. Quelle est cette foi qui sauve sinon celle qui fait crier quand passe Celui qui écoute les cris et qui, au-delà des apparences, voit un frère ou une sœur!

Troisième étape : l'homme se met à voir et suit Jésus sur la route avec les autres... Le voilà devenu quelqu'un, un disciple! Il n'est plus seulement le «fils à Timée», il est aussi «fils de Dieu».

Sur quelle route de course folle au progrès Jésus s'arrête-t-il aujourd'hui? Par quelles voix demande-t-il aux «faisant-taire» d'appeler les laissés-pour-compte pour qu'ils retrouvent leur dignité et marchent avec les autres?

Mc 12, 28b-34 : Palmarès des commandements!

De tous les commandements qui arrivent de tous côtés, Quel est, le premier de tous? Jésus n'a mis de temps à répondre au scribe ! Le premier commandement, c'est d'aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, de toute sa force. Il en ajoute un second qui est aussi premier: aimer son prochain comme soi-même. Pas de commandement plus grand que ceux-là! Pourquoi?

Parce que le premier et le plus grand commandement, c'est celui de l'amour. Il est premier parce qu'inscrit à l'origine dans notre cœur. «Née pour aimer», toute personne est «programmée» pour aimer corps et âme. Elle est née de l'Amour et en a l'ADN. Heureuse la personne à l'écoute de sa commande intérieure! Heureuse surtout celle qui lui obéit. Car il ne s'agit pas de connaître la recette du bonheur: il faut l'essayer. Jean-Paul II en sait sûrement quelque chose. Il parle de recevoir l'amour, de rencontrer l'amour, d'en faire l'expérience, de le faire sien, d'y participer fortement! Car sans l'amour la vie n'a pas de sens.

Il est bon de s'arrêter de temps en temps et de vérifier si tout ce qu'on nous commande de l'extérieur, même au nom de Dieu, est vraiment de Dieu! C'est difficile à faire, bien sûr. Jésus lui-même a appris dans la souffrance ce que c'est que d'obéir à la Loi de son être, cette Parole gravée au commencement : «Aime et tu vivras!». À chaque respiration, il a puisé son amour à la Source qu'est le Père. Il a expérimenté le pouvoir de l'amour. Il a aimé jusqu'à la dernière goutte de son sang! Il a aimé de tout son être et d'un même amour Dieu, ses frères et ses sœurs. Il a aimé!

Mc 12, 38-44 : Don de veuve!

Dans cette page d’évangile, Jésus enseigne à se méfier des scribes vêtus de robes solennelles, en attente de salutations, de places d'honneurs, du bien des veuves, tout en affectant de prier. Il va s'asseoir dans le Temple, face au trésor, et observe les gens déposer de l'argent dans le tronc. Il voit des gens riches jeter de grosses sommes et voilà que s'avance une pauvre veuve qui ne dépose que deux piécettes.

L'évangile semble avoir un faible pour les veuves! Saint Luc nous parle d'Anne qui, se trouvait au Temple quand Joseph et Marie sont venus y présenter Jésus. C'est elle qui a parlé de l'enfant Jésus à tous ceux et celles qui attendaient une délivrance pour Jérusalem. Une autre veuve est donnée en exemple pour s'être obstinée dans la prière auprès du juge trop occupé.

Aujourd'hui Jésus donne en exemple cette veuve qu'il a vue passer près du trésor. Elle a donné «plus que tout le monde», dit Jésus. Il est bien le seul à avoir vu cela! Comment a-t-il pu juger supérieure l'offrande de deux piécettes en comparaison de grosses sommes? Avait-il un troisième œil? 

En fait, que peut bien donner une pauvre veuve sinon ce qu'elle a pour vivre alors que les autres donnent tout simplement de leur superflu? Le don qui dépasse tous les autres serait donc celui que l'on fait de ce dont on a soi-même besoin pour vivre, de ce qui fait vivre quoi? Tout ce dont on n'a pas besoin pour vivre serait-il donc du superflu?

Faut-il être pauvre comme cette veuve du temps de Jésus, sans recours aucun, pour en arriver à vivre ce que Jésus a demandé aux disciples: se donner soi-même à manger? Jésus avait sûrement quelque chose d'une veuve!

Mc 13, 24-32 : L’été est proche!

Lors d'une consultation sur l'exploitation des hydrocarbures dans le Golfe Saint-Laurent, je me demandais quels signes voir poindre qui soutiendraient les petits groupes de défense de notre terre, de ses écosystèmes et nourriraient l'espoir d'une victoire sur les grandes compagnies cuirassées de pouvoir et d'argent. David contre Goliath! Quel caillou mettre dans leur fronde?

Aujourd'hui Jésus nous parle de branches tendres et de feuilles qui se pointent après une terrible détresse suivie de l'obscurcissement du soleil et de la lune, de la chute des étoiles et de l'ébranlement des puissances célestes. Signe que l'été est proche, dit Jésus! Quel été Jésus entre voit-il donc? L'été attendu semble être le rassemblement des élus des quatre coins du monde par le Fils de l'Homme qui envoie son ange! Et qui est ce Fils de l'homme revenu? C'est celui qui, écrasé par l'épreuve, s'en est sorti vivant.

Le signe que l'été est proche pour nous serait-ce la présence même de ces petits groupes qui se solidarisent, partout dans le monde, autour de fils et de filles de notre humanité sortis vivants des épreuves qu'ils ont subies? Le caillou capable d'atteindre le front des géants ne serait-ce pas que tous ces petits groupes qui inventent de nouvelles alternatives se serrent les coudes pour guérir la terre et nous guérir les uns, les unes les autres!

N'oublions pas: Jésus est ce Fils de l'Homme revenu de l'épreuve. Son souffle de ressuscité est donné à toute personne pour continuer son œuvre de libération. Si le Père est seul à savoir quand viendront le jour et l'heure de notre été, faudrait-il avec Jésus gravir ensemble la montagne, nous tenir proches de Lui pour entendre, écouter sa parole afin de demeurer aux aguets et de reconnaître le passage de ses anges?

Mc 14,12.22-26 : «Avec mes disciples»

Jésus avance dans un climat de corruption. Les grands-prêtres veulent profiter de la fête de Pâque pour l'arrêter. Il se fait reprocher par ses disciples de se laisser laver les pieds par une femme, geste qu'il demande de garder en mémoire. Judas est allé auprès des grands-prêtres pour le livrer... Jésus, lui, désire «manger la Pâque avec ses disciples».

C'est alors que ses disciples, Judas revenu, lui demandent où il désire célébrer la Pâque avec eux. Jésus leur dit le lieu entrevu et comment y accéder. Le désir de Jésus d'être avec les siens pour la Pâque me touche profondément. Comme s'il ne voulait pas vivre esseulé le mystérieux passage (=pâque) qu'il sent venir depuis longtemps.

Et depuis le dernier souper de Jésus avec les siens, le repas du «passage» est devenu celui de l'urgence de faire corps, de nous serrer les coudes, pour avoir la force de continuer la route avec lui et de vivre les passages qui s'imposent vers un monde plus humain. «Lève-toi et mange, car la route est longue!» a entendu Élie au désert!

J'ai le sentiment que c'est encore et toujours dans un climat aux effluves de mort que Jésus désire la Pâque avec les disciples que nous sommes, capables de trahison et d'abandon, mais surtout animé-e-s d'un même grand amour. Espérons! Car, c'est notre pain et notre vin, symboles du monde en transformation sous la poussée d'un levain intérieur, que Jésus prend dans ses mains et qu'il reconnaît être son corps et son sang livrés pour que vive ce monde qu'il aime.

Ne sommes-nous pas engagés à donner nos vies en mémoire de Lui, de générations en générations, jusqu'à ce que son corps entier soit en Lui pour le repas des enfants dans la demeure commune qu'est l'Amour!  

Mc 14, 32ss : Passion selon saint Marc avec Pierre...

Aujourd'hui je me permets de suivre Pierre. Il est témoin du gaspillage d'un parfum de grand prix chez le lépreux. Il s'affirme prêt à défendre Jésus. Il dort à Gethsémani puis suit Jésus de loin. Il se réchauffe dans une cour, tremble devant une servante, nie avoir accompagné Jésus et jure ne pas le connaître. Il pleure au second chant du coq et disparaît... mais le regard de Jésus est à jamais imprimé en lui.

Je sympathise avec Pierre, car il a raison d'avouer qu'il ne connaît pas Jésus. Il sait des choses de lui... mais de là à le connaître! Au fond, Pierre ne se connaît pas lui-même! Il se pensait très fort et la frousse lui fait perdre tous ses moyens. Il pensait Jésus puissant et le découvre impuissant.

C'est au bout de ses larmes, quand il acceptera d'être aimé dans sa lâcheté, que Pierre va connaître Jésus et se connaître lui-même. Au bout de ses larmes, il saura que l'amour est  vainqueur de la mort car rien ne détruit la relation d'amour. Pierre se souviendra sûrement de la femme venue verser sur la tête de Jésus un flocon d'albâtre plein de parfum très pur. Il va revoir les disciples indignés de ce geste de fol amour, réentendre Jésus dire qu'il y aura toujours des pauvres avec eux et que, dans le monde entier, ils feront mémoire de cette femme en qui il s'est lui-même reconnu!

Quand Pierre sentira un parfum nouveau embaumer tout son être, de la tête aux pieds, le cœur  chamboulé comme celui de femme au parfum pur, il saura alors qu'il est né pour aimer. Devenu pasteur au milieu des pauvres, il gaspillera, en mémoire d'elle et de lui, l'amour pur dont est rempli son fragile cœur d'albâtre...

Mc 16,15-20 : Qui plongera?

Par qui peut arriver, à toute la création, en ce temps qui est nôtre, quelque chose de bon, de neuf? À la lumière de Jésus ressuscité, c'est par des personnes qui osent croire. Comme lui a cru sans défaillir. Il a multiplié les signes de vie et, même plongé dans la mort, sa vie n'a pas été enlevée.

Croire, serait-ce consentir à plonger, selon le sens même du mot «baptême»? Sinon on est condamné à vivoter, à tourner en rond, à répéter jusqu'à l'usure! Où serions-nous, vous et moi, si nous n'avions pas, et plus d'une fois, plongé dans l'inconnu qu'est la Vie qui nous appelle et ne nous abandonne pas? Que serait Abraham s'il n'était pas parti sans savoir où il allait? Lui et Sarah, Zacharie et Élisabeth seraient-ils des ancêtres s'ils n'avaient pas expérimenté la solidité d'une promesse de fécondité humainement impossible? Et si Marie n'avait pas plongé dans ce qui la dépassait?

Croire, c'est plonger dans plus grand que nous, espérant contre toute espérance. C'est faire confiance à la Parole de vie dont le Souffle nous a tissés au ventre de nos mères puis poussés à naître après neuf mois de ténèbres et qui nous encore pousse vers d'autres traversées. La Parole travaille dans les ténèbres avant d'arriver au jour. Nombreuses nuits! Nuits de lourd sommeil au chaud des sécurités! Nuits de patience où couvent les enfantements d'une création nouvelle! Et quelle nuit que la mort dans laquelle Jésus a plongé! Il s'est éveillé vivant à jamais car la Parole est promesse de Vie toujours tenue!

Comment parler un langage nouveau si la Parole ne fait craquer les gaines que deviennent les mots et les coutumes? Comment laisser mourir nos mots pour que s'éveille, toute neuve, la Parole qui donne signe de vie?