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Évangile selon saint Jean

Jn 1, 29 : Voici l'Agneau de Dieu!

 Je partage la joie de Jean qui découvre ce qui le poussait à baptiser dans l'eau  c'était pour manifester la présence de Jésus, celui qui désormais baptisera dans le Souffle Saint.

Jean conservait sûrement, gravée à jamais dans sa chair, la mémoire de sa rencontre avec Jésus alors qu'ils étaient tous deux dans les eaux maternelles. Ce jour-là, à six mois de gestation, Jean fut baptisé dans le Souffle Saint et il tressaillit dans tout son être. Dans l'évangile d'aujourd'hui, voyant Jésus venir à lui, il ne peut s'empêcher d'orienter vers ce nouveau venu le regard de ses propres disciples et ceux du peuple tout entier. Et ses disciples suivront Jésus...

Car désormais, la rencontre qui fait tressaillir n'est pas avec quelqu'un qui nous presse de confesser nos péchés, ce qui est déjà beau, mais avec celui qui enlève le péché de nos vies, si nous y consentons bien sûr, ce qui ne va pas de soi.

Désormais, nous savons que le Souffle n'est pas donné pour la seule durée d'une action particulière, comme ce fut le cas pour Habacuc qui, saisi par les cheveux, fut amené pour une mission puis ramené chez lui. Le Souffle qui descend de l'Ailleurs demeure en nous, présence durable, vivifiante. Ce «Souffle impérissable» nous crée et nous recrée sans cesse. Souffle d'amour, Il est mémoire de Dieu en nous.

C'est pourquoi saint Paul écrit aux disciples de Rome: «l'espérance ne vous décevra pas car l'Amour a été répandu dans vos cœurs par le Souffle saint qui vous a été donné». Comment ne pas désirer que les personnes qui souhaitent être nos disciples puissent un jour rencontrer Jésus? Et si nous les laissons aller avec joie, quel beau signe de la sincérité de notre désir!

Jn 1, 6-8.19-28 : Qui donc es-tu?

Jean baptise dans l'eau du Jourdain. Il s'identifie à une voix qui crie à travers le désert demandant qu'on aplanisse les chemins déjà tracés pour qu'ils rejoignent celui du Seigneur, chemin qui mène à la Vie. Car le but de la vie, c'est la VIE.

Jean affirme ce qu'il n'est pas. Il n'est pas le Messie, ni Élie, ni le prophète! On dirait qu'en lui le cri est recherche d'identité. D'où vient qu'il flaire ainsi la présence de quelqu'un qui aurait cette identité, quelqu'un qui est au milieu de nous et que nous ne connaissons pas?

J'ai le sentiment que Jean conserve, bien enregistré dans sa chair, le souvenir vif d'une première rencontre. Il avait à peine six mois de gestation quand il a tressailli de tout son être lors de l'embrassade de sa mère, Élisabeth, et de Marie, tout juste enceinte de Jésus. Et depuis, il est la voix d'un cri d'espérance qui a commencé dans la joie d'une rencontre. Il désire se connaître à la lumière de celui qui vient et par qui il a déjà été touché dans son être.

Serait-il possible que le grand cri dans notre désert soit celui de naître à notre véritable identité d'hommes et de femmes, celle que personne ne pourrait nous enlever même si on perdait tous les vêtements identitaires qui la recouvrent? Aurions-nous, dans la profondeur de l'être, un sens intérieur, comme un souvenir profond de Celui d'où nous venons, donc du chemin de retour?

Jean-Paul II a écrit que toute personne sur la planète, sans aucune exception, est participante de Jésus-Christ, «dès l'instant se sa conception près du cœur de sa mère». Il dit aussi que Jésus révèle «pleinement» l'être humain à lui-même! Quelle identité Jésus vient-il nous révéler?

Jn 1, 29-34 : Esprit Saint et péché: incompatibilité...

Le baptême de Jean invitait les gens à confesser leurs péchés. Voyant Jésus venir vers lui, Jean le présente comme celui qui enlève le péché du monde, selon ce qu'avait prédit son père, Zacharie. Le baptême de Jean trouvera donc sa plénitude quand Jésus baptisera dans l'Esprit saint car il fera ce que ni Jean ni aucune autre personne ne peut faire: enlever le péché...

Plusieurs fois, à l'Eucharistie, nous prions ainsi : «agneau de Dieu qui enlèves le péché du monde». Jésus peut-il, effectivement, déraciner le péché du monde, de nos vies, de notre cœur? Enlevé, jeté loin derrière, le péché n'est plus? Si oui, sur quelle assise fonder alors notre espérance: sur la confession répétée de nos péchés ou sur la certitude que Jésus es enlève? Acceptons-nous d'abandonner notre péché à Jésus pour qu'il le brûle? Ne pas croire qu'il peut l'enlever, c'est lui faire affront, comme si notre bêtise, même énorme, pouvait être plus puissante que l'amour de Dieu en nous.

De quelle autorité Jésus fait-il cela? Par la puissance du Souffle de Dieu. Ce Souffle divin n'est pas donné à Jésus pour le temps d'une mission, comme on le croyait jusque-là. Jean affirme avoir vu le Souffle descendre sur Jésus et demeurer. Parce que la présence du Souffle, feu divin, établit désormais en Jésus sa demeure permanente, le péché n'a pas sa place en lui. Souffle de Dieu et péché ne peuvent coexister.

Baptisé-e-s en Jésus, le Souffle saint fait aussi de nous sa demeure permanente. Malgré cela, notre cœur manque souvent la cible tellement il est fragilisé, déboussolé par les séquelles des bêtises humaines. Heureux sommes-nous pourtant, pécheurs, pécheresses habités par le Souffle saint, nos péchés sont anéantis par lui, comme pailles au feu.

Jn 1, 35-42 : Où demeures-tu?

L'appel des disciples nous offre une page merveilleuse. Jean le baptiste reconnaît en Jésus celui dont son être a sûrement gardé mémoire depuis le ventre de sa mère. Il le présente à ses disciples comme celui qui nous plonge, non plus dans l'eau, mais dans le feu, dans le souffle.

Deux disciples entendent sa parole et suivent Jésus qui se retourne et leur demande ce qu'ils cherchent.  «Où demeures-tu?» disent-ils. «Venez et voyez», répond Jésus. Ils vont, voient et restent pour un jour. Mais pourquoi ne révèlent-ils pas où demeure Jésus? À la librairie ou à la boutique de vêtements, quand on me demande si je cherche quelque chose, je réponds parfois: «Non, je regarde si un livre, ou un vêtement, me cherche!». Peut-être sommes-nous ainsi pour les personnes. Nous nous cherchons et comme ça donne du souffle quand nous nous trouvons.

Le récit de Jean présente, en effet, des personnes qui se cherchent et se trouvent. Jésus cherche et trouve. Les disciples cherchent et trouvent. Leurs attentes prennent un nom et un visage, habitent un lieu. Les grands titres donnés au Messie espéré se fondent dans celui de Jésus de Nazareth. Dieu n'est pas dans les nuages, dans les idées, il fait sa demeure chez nous et désire habiter avec nous. Serait-ce dans la rencontre qui réchauffe le cœur qu'il fait sa demeure? Ne sommes-nous pas en soif les unes, les uns des autres, en désir d'une rencontre où il fait bon demeurer? Dieu lui-même a soif de nous; comment n'aurions-nous pas soif de Lui? Comme nous, il fait sa demeure dans la rencontre, dans l'échange mutuel de ce que nous sommes les uns, les unes pour les autres. «Je demeure où l'amour loge», chante Vigneault! Aurions-nous au cœur la mémoire de Dieu?

Jn 2, 1-11 : Quelle heure est-il?

 «Ils n'ont pas de vin» annonce Marie! Jésus lui répond que 'son Heure' n'est pas venue! Pourtant il fait de ce moment 'son Heure' et le meilleur vin est servi!

J'ai entendu une maman avouer que leur garçon n'avait plus de plaisir à jouer au hockey. Il en avait pourtant quand il a commencé à jouer! Quand on débute une relation, un projet, une liturgie, c'est habituellement stimulant. Peu à peu, l'enthousiasme du début risque de s'éteindre dans la routine, la monotonie et alors le plaisir s'étiole. Comme Marie le fait, ça prend parfois une femme pour nommer cela! 

Jésus dit que 'son Heure' n'est pas venue, mais c'est comme s'il y pensait un peu et réalisais que c'est toujours l'heure de faire ce pour quoi il est venu: donner sa vie. C'est toujours l'heure d'aimer quoi! Car pour Dieu, la vie est fruit d'alliance amoureuse et féconde. Pour renouveler la joie des noces, Jésus change la destinée des cruches qui servent au rite d'ablutions. Il demande de remplir d'eau ces urnes pour qu'elles servent désormais à la joie de vivre, signifiée par du bon vin. 

Voilà le signe qui ne ment pas: la joie de vivre plus grande qu'avant. Quand on retrouve ce qu'on a perdu, on l'apprécie, on le goûte davantage! Que chaque personne mette donc du sien pour changer la routine, l'ennui, nourrir les alliances! Et reviendra le plaisir! C'est un «vrai miracle», dit-on, quand les choses marchent comme elles sont censées marcher! Quand la circulation est fluide, que les relations se refont, que la santé revient...Encore faut-il, comme Marie, oser nommer ce qui ne va plus et, comme Jésus, ajuster son cœur sur l'heure d'aimer et, sans calculer, investir les dons gratuitement reçus au service de la vie!

Jn 2, 13-22 : Il parlait de son corps!

Tout une première que cette sortie publique de Jésus à Jérusalem! Comme si le tourment de l'amour était devenu une indignation que Jésus ne peut plus contenir! J'ai mal à imaginer le branle-bas dans le Temple: bêtes chassées à coups de fouet, monnaies répandues au sol, comptoirs renversés, changeurs, marchands et juifs choqués!

Pourquoi tout ce cinéma? Parce que la Maison où le Père veut rencontrer ses enfants et les faire communier ensemble à son amour, cette maison est travestie en marché public où sont installés des marchands en mal de consommateurs et de sang à verser.

En voyant ce qu'est devenu le Temple de Jérusalem que les Anciens ont mis tant de passion à construire, Jésus voit en gros plan ce que la marchandisation peut faire de l'univers et du corps de chaque personne que Dieu a choisis pour demeure. À ceux qui lui demandent un signe pour justifier son geste, Jésus offre de détruire le Temple qu'est son propre corps pour qu'un nouveau Temple soit rebâti selon le désir du Père. Les disciples eux-mêmes n'ont compris cela qu'après la résurrection de leur maître...

Saint Paul nous demande de ne pas oublier que nous sommes le Temple nouveau où habite le Souffle de Dieu. L'univers aussi est Demeure de Dieu. Nous allons au Temple, pour nous abreuver ensemble aux sources vives afin qu'en sortant l'eau vive reçue coule dans tous les quartiers et fasse fleurir la vie partout. 

Quel fouet inventer aujourd'hui pour ébranler avec Jésus les assoiffés d'argent, de pouvoir et de sang? Ils multiplient les nouveaux temples au dieu Argent et y sacrifient tant de personnes, tant de ressources naturelles? Heureusement, nous le croyons solidement : le corps du Christ que nous sommes est indestructible!

Jn 2, 13-25 : Une «sainte» colère!

Aujourd'hui, Jésus fait une «descente» dans le Temple! Il est indigné de voir qu'on a transformé en lieu de consommation ce Temple construit pour que les humains communient entre eux en Présence de Dieu. Jésus affirme connaître par lui-même le cœur humain. Peut-être sait-il la différence entre une «sainte» colère et une colère qui n'est ni belle ni juste. Dans la Bible, c'est plus souvent Dieu qui éprouve la colère. Mais d'où vient sa colère? Et celle de Jésus? D'où vient la colère des Juifs qui poursuivent Jésus pour détruire son corps au nom de leur Dieu? Pourquoi la colère de Jésus est-elle «sainte»?

Je revois un papa fâché contre sa fille. «Je la battrais», hurlait-il! Anorexique, elle refusait net de se nourrir devant une table chargée de mets délicieux. Le père la voyait s'étioler et ne pouvait rien faire. Sa colère criait l'impuissance de son amour. Depuis ce jour, je comprends ceci: la colère de Dieu exprime son impuissance! Il nous a tout donné en abondance et tant de malheureux, d'anorexiques de l'amour. «Que puis-je faire, ô mon peuple!»

Pour entrer dans les sentiments de Dieu, il nous faut tout goûter de l'amour : exultation et amertume. La «sainte» colère ne naît pas de la frustration, mais de l'amour pur qui ne peut absolument pas s'imposer encore moins punir. Jésus s'indigne car les dons de Dieu : sabbat, temple, biens matériels, affectifs et spirituels, sont accaparés par quelques prédateurs  boulimiques. Tout est pourtant mis sur notre table pour la convivialité entre tous.

D'où sont venues mes colères? Certaines, trop «primes», sont venues de mes frustrations. D'autres, trop rares peut-être, ont traduit mes indignations devant les injustices ou l'impuissance de mon amour! Je vous l'assure : leur fruit n'a pas même goût dans le cœur!

Jn 3, 13-17 : Quelle folie d'Amour!

La croix: folie pour les Grecs, scandale pour les Juifs! Pour Jésus : aboutissement du dialogue amoureux de Dieu avec l'humanité! Qu'en est-il pour nous? Si nous prenions le temps de revisiter les croix rencontrées en chemin, croix inscrites aux pages de l'histoire... puis de dialoguer avec elles! Peut-être aurions-nous d'émouvantes surprises!

Croix de prise de possession des terres. Croix du chemin dressées par des ancêtres ou par les familles de victimes d'accidents. Croix illuminées en haut des montagnes, des collines ou des clochers, étoiles dans les nuits. Croix travesties en armes de combat. Croix d'or, d'argent, de pierre, de bois ou de verre. Croix tatouées sur le corps ou pendues au cou. Croix de salon bleu, de cimetières, de cuisine, de chambre à coucher. Croix catholique, orthodoxe, scoute, gammée...

Et celles qu'on ne voit pas mais qui laissent leur empreinte en dedans comme au dehors! Croix de mères, de pères, d'enfants. Croix de personnes seules, de couples, de croyants, d'incroyants. Croix clouées à des lits, oubliées ou méprisées dans les ghettos à ciel ouvert ou clandestins. Croix que toute personne est pour elle-même!

Contemplant ces croix de mille partout, que mon cœur écoute Celui par qui la croix, signe d'ignominie, est devenue signe d'un incroyable amour! Sur ces croix multipliées, j'entends Jésus supplier le Père de pardonner aux bourreaux qui ne savent pas ce qu'ils font... Sur chacune des croix, il murmure aux compagnons, compagnes d'infortune : «Aujourd'hui, tu es avec moi au paradis!». Sur chaque croix, de matériau ou de chair, assoiffé, Jésus supplie le Père de ne pas l'abandonner!

Croix, partout plantée, grave en mon cœur le dernier regard d'amour de Jésus, plus beau encore que le premier, quand il soupire : «Si tu veux... suis-moi» jusqu'au bout de l'amour!

Jn 3, 14-21: Le serpent et Jésus!

Je cherche depuis longtemps un lien entre le serpent de bronze élevé au désert et Jésus élevé en croix. Les deux semblent nous inviter à corriger nos jugements à courte vue. Les deux nous obligent à vaincre la peur par la foi et à discerner si nous faisons des œuvres pour Dieu ou les œuvres de Dieu. 

Pourquoi le serpent sur les enseignes de nos pharmacies? Même si le venin du serpent fait peur parce qu'il peut tuer, le serpent est avant tout symbole de vie et de renaissance car il change de peau et retrouve sa jeunesse.

Jésus a été mis à mort pour avoir été jugé complice du diable. Les chefs religieux ont eu peur que son message, comme un venin de serpent, fasse mourir leur religion et vide leur temple. Ils l'ont jugé selon leurs propres critères de vérité et l'ont élevé sur la croix, châtiment réservé aux criminels. Ils pensaient faire cela pour leur Dieu. S'ils avaient accepté de regarder leurs œuvres à la lumière de celles de Jésus, ils auraient bien vu que les fruits n'étaient pas les mêmes. Jésus leur a même dit, un jour, que leur refus de lumière faisait d'eux des homicides!

Dieu n'a pas validé le jugement de ceux qui préférèrent leurs certitudes à la Vérité de Jésus. En relevant son Fils de la mort, il a reconnu ses œuvres comme étant les siennes, œuvres commandées par l'amour et qui donnent vie. La croix, signe d'ignominie  et de honte, est désormais, pour nous, signe de victoire sur les ténèbres et sur la mort. Signe que Dieu n'entre pas dans les jugements trop courts des humains. Ce qui fut jugé venin de mort est remède de vie pour tous les humains! Dieu aime tant le monde!

Jn 3, 16-18 : Dans une commune demeure!

Une jeune femme me demande, émerveillée: «Est-ce possible qu'en faisant le signe de la croix nous soyons tous dedans?» Quelle belle découverte! Oui, tous, toutes ensemble dans la Présence!

Depuis longtemps, Jésus nous redit que nous sommes en Lui et Lui dans le Père. Ce doit donc être simple pour les cœurs purs! Pas mathématique en tout cas! Quand Jésus monte aux cieux, il ne va sûrement pas bien loin, puisque tout est en Dieu et lui en nous! Tout juste présent autrement avec tous ceux et celles qui sont disparus de devant nos yeux!

Oui, quand nous traçons le signe de croix, tout l'univers est embrassé! Cette foi-là nous habite le cœur, l'élargit dans toutes les dimensions, le remplit d'espérance. Animé-e-s du Souffle impérissable, nous sommes présent-e-s ensemble dans le monde non pour le juger mais pour l'aimer! Qui peut réchauffer le cœur sinon chaque personne qui ne juge pas mais qui aime?

Au début de l'Eucharistie, nous sommes accueilli-e-s au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, à titre d'enfants du «Dieu de l'univers». Pas de murs dans ce réseau! Les seuls murs seraient dans nos cœurs. Et nous communions, espérant que tous ces murs de séparation soient abolis dans notre propre chair, comme ils l'ont été en Jésus, murs élevés petit à petit, sournoisement, par nos peurs et à coup de lois! À la fin de l'Eucharistie, nous sommes encore enveloppé-e-s d'une bénédiction en signe de croix et envoyé-e-s, en mémoire de Lui, aimer le monde d'aujourd'hui.

Croire en Dieu, qui est relation, c'est choisir et vouloir à tout prix multiplier les ponts entre nous les humains mais aussi avec tous les autres éléments de notre univers... jusqu'à ce que la Présence soit manifeste en tout!

Jn 3, 16-18 : Un Dieu qui aime tant!

Longeant la mer en cherchant à pénétrer le mystère de la Trinité, un théologien voit un enfant verser l'eau de la mer dans un seau. Il lui dit qu'il ne peut mettre toute la mer dans ce récipient. L'enfant répond que cela est plus facile que de vouloir comprendre le mystère de la Trinité... En fait l'eau de mer se dévoile dans ce peu d'eau qu'un seau «prend-chez-lui» : c'est la même eau. En goûtant au mince filet d'eau vive surgissant de nos profondeurs, n'approchons-nous pas le mystère de Dieu avec ses attributs?

Comment pressentir Dieu sinon par le désir? En soif les uns des autres et de plus grand, nous tenons bon grâce à l'amour reçu et donné au quotidien dans des relations que nous rêvons éternellement durables. Nous apprenons que nous sommes trois dans une relation : l'autre, moi et la relation. Mais de qui tenons-nous cela? Ne naitrions-nous pas à chaque instant d'un Dieu-Amour, source appelée «père» engendrant l'«Enfant» de même nature et qu'un souffle mystérieux garde vivant le flux de leur don mutuel? Marie de l'Incarnation a expérimenté dans sa chair cette dynamique trinitaire. Créés êtres-de-relations à l'image de Dieu, au «terme nous ne serons plus qu'amour», écrit cette femme qui a entendu Dieu dire: «Amour est mon Nom et c'est ainsi que je veux que tu m'appelles».

À l'Eucharistie, nous sommes accueillis au nom du Père, du Fils, du Saint Esprit. Dieu est NOTRE Père, nous sommes SON unique Enfant en Jésus, animés de SON Souffle. Avant de partir, nous sommes encore enveloppés d'une bénédiction trinitaire, envoyés habiter l'univers, notre maison commune, prendre soin des relations espérant qu'ainsi, au terme de l'histoire, tout l'univers sera harmonieusement devenu la demeure «où l'Amour loge», comme chante Vigneault!

Jn 4, 5-42 : Dieu aurait-il soif?

Nous connaissons l'héritage reçu des ancêtres. Si nous savions le don reçu de Dieu! Dieu et les humains se cherchent. En soif l'un de l'autre, ils se croisent en d'étonnants rendez-vous. Alors que la fatigue pèse lourd et brille le soleil, ils descendent du puits des ancêtres au puits plus profond de l'origine! Leur rencontre : un échange de dons, de personne à personne!

Jésus, le premier, demande à boire. Serait-il le plus assoiffé? L'humanité, dans la samaritaine, cherche, à tâtons, l'eau dont la source cachée l'aiguillonne pourtant du dedans. Comme une boussole cherche le nord, l'humanité est en quête du don déposé en elle dès l'origine pour qu'il fructifie : l'«incroyable puissance d'aimer».

De quoi Dieu aurait-il soif? D'abord d'un vide pour l'accueillir, espace offert par la femme quand elle dit : «Donne-moi de cette eau!». Que lui manque-t-il encore pour combler son attente? «Va chercher ton mari», dit Jésus à celle qui lui avoue ne pas avoir de mari! Quand elle lui donne cet échec relationnel, Jésus lui partage son identité. Venue en clandestinité, elle repart changée en «créature nouvelle». Dans saint Jean, l'émouvante et ultime requête de Jésus en croix, «J'ai soif!», est fort révélatrice. Quand on lui donne du vinaigre, heureux dirait-on d'avoir enfin accompli sa mission, Jésus soupire : «Tout est achevé!». Le véritable échange est enfin réalisé. L'«être nouveau» est là! En Jésus, Dieu assume notre péché et nous garantit son amour. «Je vous supplie, écrit Paul, laissez-vous réconcilier avec Dieu! Celui qui n'a pas péché, «Dieu l'a fait péché» pour que notre péché ne nous soit plus compté».

Comblons la soif de Dieu en lui donnant notre vide et ce qui acidifie nos relations quotidiennes! Accueillons, de notre héritage, l'Amour surabondant! Ô merveilleux échange!

Jn 6, 1-15 : Consommer ou communier?

"Prenez donc le temps de vous asseoir" demande une dame au prêtre venu lui porter la "communion". Ce prêtre m'a raconté qu'après avoir pris le temps de causer avec elle, il est parti oubliant de donner la "communion". Il avait pris le temps de communier. Tant de témoignages semblables de la part de personnes qui reçoivent la "communion" dans leur chambre d'hôpital ou à domicile. Je pense souvent à celle qui m'a arrêtée, alors que j'allais visiter ma mère, pour me confier: "Je suis un peu gênée de vous dire cela, mais le docteur qui vient me voir, qui prend le temps de s'asseoir et de jaser, me fait plus de bien que la personne qui me donne une hostie en passant!"

Voilà le signe: plus que le pain en passant, le temps de la présence et du partage convivial. Le temps de s'asseoir! Passer de la consommation de nourriture à la communion les uns aux autres dans un repas qui nourrit les cœurs. C'est ainsi que Jésus forme ses disciples à devenir bergers. Il les met à l'épreuve en leur proposant d'acheter du pain pour tous. Les disciples reconnaissent qu'aucun salaire ne suffirait à cela mais voient un enfant qui a cinq pains d'orge et deux poissons! C'est trop peu évidemment! Alors Jésus leur demande faire asseoir les gens. 

Puis Jésus accueille les pains, fruits de la terre et du travail humain, les deux poissons, dons de la nature, il rend grâce au Père de tous les dons et distribue. Il en reste pour les siècles à venir! 

Car tout vient de Dieu et nous est donné pour être offert et distribué. L'amour, dont chaque personne reçoit sa part divine, vient d'une source renouvelable à l'infini! L'amour a toujours du temps. 

Jn 6, 24-35 : Tout vient de toi, Père très bon!

À quoi Jésus désire-t-il éveiller les gens quand il dit qu'ils le cherchent seulement pour manger à leur saoul? Il ne leur reproche sûrement pas d'avoir mangé la nourriture généreusement distribuée. Voudrait-il les amener à réaliser que lui, eux et le pain viennent de Dieu? Alors, ils ne se rempliraient pas seulement le vendre du pain reçu, ils communieraient en même temps à Dieu présent en toute chose.

Ses interlocuteurs semblent ignorer que le pain au désert venait de Dieu par Moïse et qu'il nourrissait l'espérance des ancêtres tout autant que leur ventre. Et Moïse, venu de Dieu lui aussi, se donnait lui-même à manger. Saisiront-ils à présent que Jésus, qui leur donne tout de lui, vient de Dieu? Et qu'en chacun d'eux aussi Dieu désire se donner aux autres? Jésus n'invite-t-il pas chacun à se donner lui-même à manger! La vie n'est-elle pas rencontre où se joue un merveilleux échange de dons!

Jésus de Nazareth confirme Nathanaël que, sans artifice, il dit vrai quand il réplique: «que peut-il sortir de bon de Nazareth?». Car Jésus le sait: ce qui est bon ne peut venir que de Dieu. Mais ça passe par Nazareth, par des parents, par chaque personne, par tout lieu où la vie prend racine et grandit. Dieu se fait chair pour nourrir toute chair et tout de la chair.

Si tu savais le don de Dieu... dit Jésus à la Samaritaine assoiffée qui connait les biens qu'elle croit avoir reçus des ancêtres seulement: terre, puits... Jésus l'éveille à la source intérieure qui, à son insu, l'a poussée au puits. Quand elle sent la source surgir en elle, elle la flaire en Jésus et, rajeunie de mille ans, court vers les siens se donner à manger.

Jn 6, 37-40 : Jésus nous garde avec lui!

Tout nous est donné!» dit un philosophe incroyant pour asseoir son espérance! Depuis toujours, tout nous est donné: lune, soleil, étoiles, mers, montagnes, animaux variés, vent, pluie, neige, les uns, les unes... Tout est donné à tous, gratuitement, sous mille formes et couleurs!

Qu'est-ce qui nous différencie des incroyants, nous qui nous disons croyants? C'est de croire comme Jésus que tout est donné par un Père qui aime. Avec Jésus, nous ne voulons perdre rien ni personne de ce que le Père donne généreusement. Tout est précieux à nos yeux! Tout ce que Jésus a reçu du Père, il nous le donne, car «ce qui n'est pas donné est perdu» (proverbe chinois). Il veut tant nous garder avec lui jusqu'en vie éternelle qu'il désire nous faire goûter cette vie de notre vivant. Il ne veut surtout nous perdre en route!

Dans quelle mortelle issue Jésus ne veut donc pas perdre ceux que le Père lui confie? De quelle mort les sauve-t-il!? Certes pas de la mort naturelle qui fait partie du long processus de naissances successives qu'est la vie...Personne, pas même Jésus, n'a échappé à ce passage. Ne serait-ce pas de la mort du désir inscrit au plus profond des entrailles? De ces situations qui, pires que la mort, ne tuent pas le corps mais l'âme? «Personne ne vit mieux en fuyant les autres... en refusant de compatir, de donner... Ce n'est rien qu'un lent suicide». (Pape François)

La volonté du Père, écrite en notre chair, s'appelle désir de vivre. Jésus sait que ce désir qui nous tenaille rebondit toujours. Croire en Jésus c'est croire qu'en nous partageant sa vie, il ne veut surtout pas nous perdre en route! Notre dernier soir sera suivi du grand matin! Alleluia!

Jn 6, 41-51 : De la même École?

Se cherchent et se trouvent les personnes d'une même école de pensée ou de cœur! Ainsi quiconque fréquente l'École du Père vient à Jésus et s'en nourrit. Sommes-nous habilités à écouter l'enseignement du Père? Saint Paul répond oui: "Qui donc entre les hommes sait ce qui concerne l'homme, sinon l'Esprit de Dieu. Or, nous n'avons pas reçu, nous, l'esprit du monde, mais l'esprit qui vient de Dieu, pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits." (1Co 2,11)

Qui écoute le Souffle de Dieu présent en son être et en toute chair vient à Jésus car tous deux fréquentent la même École appelée Source de Vie. Qui ne sent dans son cœur et dans l'univers ce désir de vivre à plein et toujours? Comment ne pas prêter soigneusement attention à ce qui nourrit le cœur profond et gonfle les voiles d'espérance!

Facile de consommer objets, discours, paysages, nourritures, parfums! Mais nous sommes capables de plus: communier à Dieu qui se fait chair et se donne à nous par le toucher, les oreilles, les yeux, la bouche, l'odorat, car tout vient de Lui comme pain de vie! Précieuses portes d'entrée que sont nos sens! «Dans la ferme de mon enfance, écrit André Paul, Dieu, c'était de la vie, de l'odeur, du toucher et même du goût...C'est un Dieu qu'on reproduisait et consommait sans cesse. Chaque fois que je reviens à la ferme..., je retrouve tout cela: le Dieu fait chair». Jésus et lui sûrement de la même École! La chair serait bonne conductrice du divin?

Comment devenir bons-à-manger sans se nourrir du bon et du beau dans tout ce qui est généreusement servi

Jn 6, 51-58 : Du bon-à-manger!

Jésus a tout donné de lui. Il s'est donné lui-même à manger. Il désire continuer à le faire par tout son corps que nous sommes. Par nous, se donner comme Pain de vie quotidien.
Quiconque aime comprend un peu cette folie de l'amour. Mais quel sujet de discussions pour les personnes qui ne comprennent rien à l'amour!

Il a fallu trois ans aux moines de Tibhirine pour que chacun consente, uni aux autres, à se donner à manger au peuple qu'ils aimaient au point d'en arriver à «demeurer-avec» jusqu'au déchirement de leur chair. Manger la chair et boire le sang de Jésus, c'est laisser tout de lui pénétrer en nous pour devenir lui en tout ce que nous sommes. Manger ses paroles, ses attitudes, ses regards, sa manière d'être au monde et aux autres, son souffle, sa vie. Les manger et les digérer pour aimer jusqu'au bout.

Des contemporains de Jésus n'ont pu avaler ce discours fou! Ils ont pensé consommation au lieu de penser communion. Ils n'ont pas digéré ses paroles pleines de vie. Ils n'ont pas digéré non plus la présence des personnes qui partageaient sa table. Enfin, ils n'ont pu digérer sa présence tout court. Ils ont refusé de le manger du regard, des oreilles et du cœur, mais ils ont charcuté son corps! Ça prend vraiment une bonne digestion pour communier au corps de Jésus. Avec Jésus, le repas du passage est devenu le repas de l'urgence de faire corps pour vivre nos passages! Urgence de nous donner en nourriture les uns, les unes aux autres. Urgence de réaliser que tout vient du Père, par les humains. Le pain donné par Moïse venait du Père! Jésus aussi venait du Père mais par Marie, Joseph, et par Nazareth! Verbe qui se fait chair!

Jn 6, 51-58 : Tout nous est donné!

Tout vient de Dieu affirme Jésus. Toute vie est fruit de son Souffle. Le pain donné par Moïse vient de Dieu. Donné par Marie-fiancée-à-Joseph, Jésus vient de Dieu. Affamés de Pain, de Parole, de Place, de Parcours, (4 «P» selon Maurice Bellet), des gens dévorent Jésus des yeux, des oreilles, du cœur. Inassouvis, ils recherchent sa présence comme visite de Dieu.

Jésus se donne tout entier, corps et âme, pour que les siens demeurent vivants. Qui peut le comprendre sans avoir expérimenté ces rencontres qui ravigotent cœur et intelligence autant que le corps, renouvellent les forces à même un élan intérieur? Les paroles de Jésus choquent ceux qui, n'expérimentant que consommation et pouvoir, s'en vont, scandalisés, chercher ailleurs quelque chose d'autre à dévorer. S'ils savaient le «don de Dieu»! Le pain, passe vite. L'énergie renouvelée demeure jusqu'au prochain repas. Voilà ce que des disciples ont compris du discours de Jésus pour avoir expérimenté le bien qu'il leur faisant et qui les gardait liés à lui après son passage. Jésus promet que son départ ne changera rien à cela.

Ressuscité, étrangement voilé sous nos visages humains, il marche avec nous, écoute nos déboires, ressuscite le sens des paroles déjà entendues. Comme les disciples d'Emmaüs, supplions l'étranger d'entrer chez nous. Attablés avec lui, le cœur réchauffé, que nos yeux s'ouvrent ors du partage du pain pour reconnaître sa présence au Souffle renouvelé. Requinqués, retournons pour être, en mémoire de Lui, des passeurs/passeuses de souffle, sur la longue route d'humanisation! «Nourris de son corps et de son sang, remplis de l'Esprit Saint, accorde-nous d'être un seul corps»(P.E.III). Tout vient de Dieu. L'univers, rempli de son Souffle, est Corps et Sang! Tout nous est donné pour être donné!

Jn 6, 51-58 : Bon comme du bon pain! 

«Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger?» discutent entre eux les Juifs quand Jésus présente sa chair comme pain venu du ciel. Il y a de quoi palabrer fort longtemps!

On dirait que les Juifs pensent à leur assiette, à ce qui nourrit le corps périssable. Jésus aimerait qu'ils communient à toute sa personne, à ce qui nourrit aussi la vie impérissable. Les Juifs se voient manger de la chair; Jésus désire les nourrir de sa chair qui est parole, attitude, geste, surtout présence. Jésus est bon comme du bon pain! Une personne brûlant du même amour que lui n'est-celle pas mangeable à sa façon? «Je te mangerais» déclare une mère à son poupon!

Tout de Jésus transpire Dieu. Son incroyable puissance d'aimer me dépasse! Ses paraboles me fascinent; elles manifestent, en toute simplicité, la Présence amoureuse de Dieu agissant au cœur du monde. Comme un germe dans une semence; comme un levain enfoui dans la farine; comme un feu au centre de la terre; comme un souffle qui engendre du dedans.

L'évangile de Jean parle du Verbe de Dieu qui se fait chair en Jésus et par qui tout est créé. «En plus de la communion avec Dieu et de la communion avec la Terre, y a-t-il communion avec Dieu par la Terre?». (Theillard de Chardin) Voilà le grand mystère de notre foi dont nous vivons chaque jour et que nous célébrons dans l'Eucharistie. D'ailleurs notre Prière eucharistique s'adresse bien au «Dieu de l'Univers»; son Souffle danse sur la portée de notre temps ses notes d'éternité!

«Depuis les mains qui en pétrissent la pâte jusqu'à celles qui la consacrent, la grande Hostie universelle ne devrait être préparée et maniée qu'avec adoration!» (Th. de Ch.) Pourquoi pas mangée avec adoration!

Jn 6, 60-69 : À qui irions-nous? 

«On ne peut pas continuer à l'écouter!» s'écrient certains disciples choqués par les paroles de Jésus. Écouter, c'est se laisser affecter, c'est pouvoir intégrer la nourriture quotidienne qui s'offre à nos sens. Refuser d'écouter, c'est comme dire: «Je ne le prends pas!, je n'avale pas ça!, je ne veux rien savoir!». Il n'y a pas que la bouffe à digérer! Il y a ce qu'on entend et ce qu'on voit lors d'un repas. Il y a surtout la présence des autres convives, des serveurs, des serveuses. D'ailleurs, l'atmosphère compte souvent plus que le nombre de fourchettes!

Comment profiter du pain quotidien, encore plus du pain eucharistique, sans jouir d'une bonne digestion? Les Juifs et quelques disciples ne peuvent pas avaler les paroles de Jésus jugées indigestes. Plusieurs ne digèrent guère non plus la présence des pécheurs qui partagent son pain. Enfin, leur système religieux développe une intolérance envers la personne même de Jésus. Des contemporains se préparent à glorifier leur Dieu en condamnant Jésus comme blasphémateur parce qu'il se dit envoyé de Dieu. Ils charcuteront sa chair alors qu'ils refusent de s'en nourrir! Et ça continue! On maltraite encore sa chair dans les plus petits d'entre les siens..,

Les Juifs ne prononçaient pas le Nom de Dieu; ils interdisaient toute image de Lui, toute déification d'un être humain. À cause de cela je suis quelque peu sympathique aux Juifs et aux disciples allergiques aux propos de ce Nazaréen qui parle de vie éternelle en termes de chair à manger, de sang à voir. Et qui, par surcroit, affirme venir de Dieu!

Difficile de partager en vérité la table d'un Dieu qui se fait chair pour être notre pain quotidien! Heureusement ses paroles ont toujours goût de «revenez-y». Mais... à qui d'autre irions-nous? 

Jn 9, 1-41 : La boue sur nos yeux!

Jean a écrit pour nous. Pour qui la boue sur les yeux de quelqu'un qui, déjà, ne voit pas? Se pourrait-il qu'elle soit pour nous qui pensons pourtant voir? Faudrait-il laver nos yeux d'aveugles dans le regard de Jésus, l'Envoyé du Père? Dans l'évangile du jour, l'homme né aveugle se lave les yeux à la piscine de Siloé (= l'Envoyé) et il voit alors les êtres autour... Chassé du temple, il les lave dans les yeux de Jésus et voit l'invisible!

Quelle boue embrouillerait les yeux des voisins que nous sommes? Les habitudes, les préjugés, les étiquettes, les «ça ne se peut pas qu'il change», «qui a bu boira», «c'est quelqu'un qui lui ressemble» et quoi encore? Quelle boue masque nos yeux de parents, de membres d'un groupe? La peur d'être exclus de la gang, de la famille, de la communauté, par des personnes qui s'arrogent le pouvoir d'exclure, d'excommunier? Peur qui empêche de se prononcer quand on sait et qu'on trouve prétexte pour se laver les mains? Péché d'omission!

Quelle boue, malheureusement tenace, couvre nos yeux de possibles pharisiens? Celle des certitudes religieuses acquises, d'une mainmise sur un Dieu qui a parlé autrefois et ne parlerait plus aujourd'hui? Un Dieu qui, à nos yeux, n'habite pas d'abord le cœur et le temps mais renfermé dans le sabbat et dans le temple bâti de mains humaines, là où on ose juger et condamner en son nom au lieu de le révéler?

Est-ce surprenant que, chassé par les tenants du pouvoir religieux, l'homme guéri rencontre Jésus à l'air libre! Souvenons-nous : Jésus n'est pas venu sauver le temple, mais le monde! Dites : que peut-il rester de lumineux dans le temple quand la Lumière du monde, Jésus, est jetée dehors?

Jn 9, 1-41 : De la boue sur les yeux!

Pour qui la boue sur les yeux de quelqu'un qui, déjà, ne voit pas? Saint Jean affirme avoir écrit pour nous. Se pourrait-il que la boue soit pour nous et que nous soyons les aveugles? Et qu'il faille nous laver les yeux dans le regard de Jésus, l'Envoyé du Père! L'homme né aveugle se lave d'abord les yeux à la piscine de Siloé (= l'Envoyé) et il voit les choses autour. Puis, chassé du temple, il les lave dans les yeux de Jésus et voit Dieu au dedans!

Quelle est donc la boue sur les yeux des voisins que nous sommes les un-e-s pour les autres? Les habitudes, les préjugés, les étiquettes, les «ça ne se peut pas qu'il change», «qui a bu boira», «c'est quelqu'un qui lui ressemble» et quoi encore?

Et quelle est la boue sur nos yeux de parents, de membres d'un groupe? La peur d'être exclus de la gang, de la famille, de la communauté, par des personnes qui s'arrogent le pouvoir d'exclure, d'excommunier, ou par un seul parfois? Peur qui empêche de se prononcer quand on sait par en dedans et qu'on s'en lave les mains?

Enfin, quelle boue, si tenace, couvre nos yeux de pharisiens? Celle des certitudes religieuses figées, d'une mainmise sur un Dieu qui a parlé autrefois et ne parlerait plus aujourd'hui, un Dieu qui, à nos yeux, n'habite pas d'abord le cœur mais le temple bâti de mains humaines où on ose juger en son nom au lieu de le révéler? Le pire: on penserait voir!

Faut-il nous surprendre que, chassé par les tenants du pouvoir religieux, l'homme guéri rencontre Jésus hors temple et lave ses yeux dans le regard qui se révèle tout en le révélant à lui-même?

Jn 10, 1-10 : Par quelle porte entrer?

Jésus recommande d'entrer par la porte si nous voulons prendre soin les un-e-s des autres comme un berger aimant ses brebis. Il ajoute qu'il est la Porte et que le portier ouvre à qui connaît le «mot de passe». La porte, serait-ce notre identité de fils ou de fille de Dieu? Et le mot de passe : «nés pour aimer»!

Vouloir entrer en relation avec une personne parce qu'elle est bien vue, vient d'une famille noble, tient bon compte en banque ou bon lobbying aux bons endroits, même pour l'amour de Dieu, c'est comme vouloir escalader des murs espérant tirer profit, extorquer quelque bien ou, inconsciemment peut-être, avoir bonne conscience. C'est fort risqué qu'on s'esquive si jamais l'eau devient trop chaude, qu'on veuille sauver sa peau. Car en fait, aucune relation profonde et durable n'est alors établie. Le bon berger n'envoie personne mourir à sa place, il donne sa vie pour les siens parce qu'il leur est lié en profondeur d'être.

Entrer chez l'autre par la porte, c'est se présenter, pieds nus, au seuil d'un lieu sacré où coule la même source vive, désirer faire alliance pour écouter ensemble la même voix, celle du souffle qui vient de Dieu et qui¸ une fois en nous, reconnaît la voix de Dieu pour l'avoir déjà entendue. Aimer l'autre, en vrais bergers/bergères, ne serait-ce pas nous offrir mutuellement bon pâturage, nous donner espace de liberté dans la confiance mutuelle, désirer vivre et faire vivre jusqu'à donner sa vie? Avec l'espérance au cœur, car chaque jour est sûrement jour «porte ouverte» chez le Père Portier! Ne tient-il pas à nous comme à la prunelle de ses yeux? Des places nous sont réservées dans sa Présence. Pourquoi ne pas les occuper ensemble dès maintenant!

Jn 10, 11-18 : Reconnaître la Voix!

Quelles personnes comptent pour nous au point que nous ne les abandonnerons jamais? Comment se manifeste notre sentiment d'appartenance? Le vrai berger n'abandonne jamais ses brebis parce qu'elles lui appartiennent, dit Jésus. Mais quel lien vital unit donc un vrai berger et ses brebis?

J'ai réalisé avoir passé neuf mois dans le sein de ma mère. J'ai donc connu ma mère par en dedans, j'ai entendu sa voix avant de la connaître de l'extérieur... Sortie de son sein, j'ai reconnu sa voix mais aussi celle de mon père, de mes frères et sœurs qui étaient très proches... Un lien d'appartenance s'était tissé à mon insu.

Ainsi¸ le souffle qui habite en nous était en Dieu et il entendait sa Voix. Avec lui, la Voix du Père est enregistrée en tous ceux et celles qui sont à jamais liés au Fils par ce même Souffle... Nous pouvons donc reconnaître cette Voix déjà entendue par en dedans. Un lien profond est à jamais tissé entre les humains par le souffle qui était en Dieu avant d'être en nous et dans l'univers...

Quelle grâce que d'appartenir à la même humanité, à la même terre, au même univers, au même Dieu! Nous entendons la même Voix; elle parle au-dedans de nous. Le Père nous aime parce que, tous et toutes en son Fils,  nous donnons notre vie goutte à goutte avec et par lui! Pasteurs les uns, les unes des autres, personne ne peut prendre notre vie, car, la recevant gratuitement, nous la laissons circuler librement entre nous. La vie, voilà le signe que nous nous aimons les uns, les unes les autres.

Partageons cette certitude : la source qui passe par Jésus et par nous n'arrête pas de couler même si elle n'est pas reçue! 

Jn 10, 27-30 : Une main de Bon Dieu! 

Jésus garantit la sécurité dans la main de son Père. Beaucoup de textes dans les Écrits anciens chantent, implorent, craignent la main de Dieu! Main longue et sûre, main protectrice, paternelle et maternelle, main puissante qui tient ferme tout en laissant libre. Jésus, bon berger, affirme que personne ne peut rien arracher d'une main de bon Dieu.

Il nous arrive, n'est-ce pas, de noter dans la paume d'une main ce que nous ne voulons pas oublier quand nous faisons le marché. De toutes les images figurant la main de Dieu, j'aime savourer celle qui nous en parle comme si c'était le premier disque dur avec mémoire illimitée. Dieu dit que jamais il ne nous oubliera, même si notre mère nous oubliait, car Il nous a gravés dans la paume de ses mains (Is 49,16) avec la note unique qui rappelle le nom de chacun, chacune. Selon ce que dit Jésus, Dieu a même transféré ses données dans la main de son Fils!

Dieu doit donc sentir vibrer sa main des cris, balbutiements, chants de chacun, chacune de ses enfants. Sa main reçoit sûrement de continuels signalements. Quand ça clignote sur une ligne, il reconnaît la tonalité de chaque être... J'imagine Dieu coller son oreille sur la paume de ses mains et nous repérer dans l'espace et le temps, ressentir nos émotions, entendre nos prières avant qu'elles ne soient sur nos lèvres. Et peut-être... parfois... se sentir impuissant quand certains enfants, ne pouvant imaginer une telle proximité, poursuivent leur route, seuls, les pas alourdis de déceptions.

Heureusement, personne ne peut arracher les enfants de la main de Dieu! Je crois qu'un jour, émerveillée, chaque personne entendra son nom, avec celui de Jésus, mélodieusement joué dans la main d'un Dieu aux entrailles de mère.

Jn 11, 1-45 : Quand vivre est pire que mourir!

Un récit pour l'odorat... Il faut sentir ce que sent Jésus en entrant dans la maison de Béthanie : la même atmosphère que celle dans laquelle il avance car des responsables religieux veulent le tuer et qu'il leur échappe.

En route, Jésus parlait de la mort naturelle comme d'un réveil; il entre là où ça pue la mort. Les signes d'un milieu mortifère sont évidents. Reproches : «si tu avais été là!». Cachotterie : «Marthe parle en secret». Sarcasme : «S'il l'aimait tant que cela, il aurait bien pu...». «Il ressuscitera à la fin des temps...»: croyance d'une vie pour après la mort, consolation qui endort au lieu d'une parole qui dynamise...Marinade dans le deuil : «Ça fait quatre jours». Le temps du deuil, symboliquement, ne dépasse pas trois jours; prolongé, il empoissonne la vie (Sir 38, 16ss). Quoi encore?

«Un malade!», dit-on, pour parler de Lazare! Béthanie n'est pas dit son village mais celui de Marthe et de Marie qui envoient dire à Jésus non pas : «celui que nous aimons» mais «celui que tu aimes!»... Ce pourrait-il que Lazare ait étouffé dans un milieu où il semble ne pas compter ni avoir son espace! Heureusement : Jésus, lui, aime Lazare! Je comprends qu'il pleure et lui crie : «Sors dehors!» puis qu'il commande à son entourage : «déliez-le et laissez-le aller!» Que de chaînes étouffent la vie! Certaines conditions de vie sont pires que la mort elle-même. Avez-vous jamais eu envie de crier à une personne aimée : «sors de là!»?

Au chapitre suivant, Jésus retournera dans cette famille où on réclame aujourd'hui sa présence. La maisonnée sera alors remplie d'un précieux parfum généreusement répandu. Le signe que l'amour est donné et qu'il circule : ça sent bon la vie! 

Jn 12, 20-33 : L'Heure d'aimer...  

«Tout le monde veut aller au ciel, oui! Mais personne ne veut mourir!» Même si, pour Jésus, c'est l'heure d'être glorifié, il est quand même bouleversé devant sa mort. Il prie son Père de lui épargner cette heure. Mais il réalise une fois de plus que c'est pour cette heure qu'il est venu! Il sait bien que le germe fait mourir le grain. Si le grain n'éclate pas, il reste vraiment seul.

Mais quelle est donc cette «heure» dont Jésus parle souvent? J'ai le sentiment que c'est l'heure d'aimer, de donner la vie en donnant la sienne. Il est venu pour cela: donner la vie en surabondance. Mais ce n'est pas facile... Ainsi, aux noces célébrées à Cana, Jésus, pris par surprise, a d'abord répondu à sa mère que son «heure n'était pas encore venue... et pourtant, il s'est repris et a agi comme s'il s'était rappelé qu'à chaque instant l'heure d'aimer sonnait pour lui.

C'est l'heure d'aimer! Je m'exerce le plus possible à ajuster mon heure sur l'horloge de Jésus. Tant de fois je suis bouleversée par des situations imprévues ou angoissantes. Quand je ne suis pas prête à faire ce qu'on demande..., quand je reçois le verdict d'une maladie qui atteint mon être ou foudroie une personne aimée... Comment me laisser attirer par Jésus qui fut élevé de terre pour s'être ajusté au temps de Dieu et pour nous avoir aimés jusqu'au don extrême de sa vie? Comment développer le réflexe de répondre avec lui : «c'est pour cette heure que je suis venue»?

Quelle heure est-il quand on me félicite ou qu'on me dérange? Quelle heure est-il quand il fait beau ou fait tempête? Quelle heure sonnera quand la mort me choisira? J'aimerais tant pouvoir répondre chaque fois: «c'est l'heure d'aimer»!

Jn 13,31-a.34-35 : Mes petits enfants! 

Comme une mère sensible au climat de sa maison, Jésus semble soulagé du départ de Judas! Que représente donc Judas? Ne serait-ce pas, dans un moment crucial, le sentiment d'une présence qui alourdit l'atmosphère, une épine dans le pied de quiconque, presqu'arrivé au bout de son chemin, désire marcher encore dans la voie qui même à la Vie?

Judas parti, Jésus semble respirer plus à l'aise. Il parle de gloire, cet «a-boutissement» désormais possible dans l'amour, le «bout  du bout'» de sa vie et de la nôtre... Avec infinie tendresse, il invite ses disciples, petits enfants encore, à devenir grands en s'aimant les uns les autres comme il les a aimés. Ainsi accomplis avec lui au bout de leur aventure humaine, ils ne seront qu'Amour, comme le dit si bien Marie de l'Incarnation.

En attendant, l'amour manifesté les uns, les unes envers les autres, même pauvrement, cet amour dit, plus fort que tout, notre appartenance à Jésus et à son Père. L'amour demandé est sûrement possible, même s'il est difficile! Possible, parce que gratuitement inscrit en nos cœurs, dès l'origine, comme un co-mandat. Dieu aime et nous mandate pour aimer avec lui à même son Amour. De toutes nos forces, tout notre cœur, tout notre esprit, tous nos sens, nous pouvons aimer! 

Le temps de vivre serait donc celui où notre amour est peu à peu purifié comme l'or au creuset. L'or le plus pur l'est à 99.9%, paraît-il... Judas symbolise peut-être le 0.1% qui disparait à la dernière minute de notre route vers l'AMOUR. Dans un beau texte à saveur de printemps, André Sève s'adresse ainsi à Dieu: «tu es Amour et tu as fait un monde où, si nous le voulons, nous pouvons vraiment aimer. Nous pouvons, tu nous as faits pour cela»! 

Jn 14,1-12 : Chemin, Vérité et Vie

Le carrefour de l'univers religieux nous offre de multiples voies! La nôtre n'est pas un livre de recettes, de trucs dernier cri ou de dogmes bien ficelés. La voie à suivre, c'est une personne nommée Jésus. Il EST un chemin à perte d'horizon!

Liés à lui par le même souffle, nous pouvons, nous dit-il, faire des œuvres plus grandes que celles qu'il a faites! Nous sommes donc et devenons avec lui, en lui et par lui, Chemin, Vérité et Vie. Quelle profondeur de mystère nous est servie aujourd'hui! Le chemin ne serait-il pas tracé par ce souffle qui nous unit tous ensemble au Père avec Jésus? Souffle qui nous pousse en dedans à devenir Vérité dans l'accomplissement de la Vie? Par le même souffle, ce qui est réussi en Jésus est en voie de l'être en nous, personnellement et collectivement.

Qui vit de ce souffle de fils ou de fille se reconnaît en voyant Jésus et se sait du même Père. Nous logeons déjà ensemble à l'enseigne de l'Amour. Le chemin est ouvert entre le Père et nous. Plusieurs des nôtres sont établis chez lui à demeure. Nous, nous cheminons encore, mais nous habitons déjà notre place.

Jésus est comme la tête d'un arbre qui surgit en premier de la terre, trace le chemin et appelle à sa vérité, à sa vie, l'arbre tout entier. Il passe en premier et attire tout au Père jusqu'à l'accomplissement de tout. Les branches d'un arbre donnent sûrement plus de fruits que le premier surgeon ou première pousse, mais que donneraient-elles sans ce perce-neige qu’est Jésus! Nous sommes d'un même arbre, enracinés dans le même Amour! Heureuse personne qui, les yeux fixés sur Jésus, marche dans la Voie de l'Amour, le Père accomplit en elle ses propres œuvres!

Jn 14, 1-12 : Regards croisés!

Jésus se dit « Voie, Vérité, Vie» pour quiconque consent à le suivre «par cœur». En route, il déclare: «qui me voit voit le Père».

Plusieurs ont vu Jésus sans le voir, avec une arrière-pensée au cœur, les yeux trop fuyants pour croiser son regard. Ils n'ont vu qu'un galiléen! Que puis-je voir de Dieu en voyant Jésus? Mais que verrai-je si je ne regarde pas Jésus me regarder?

Regarder Jésus me regarder quand il accepte que j'embrasse ses pieds... ou me supplie de le laisser laver les miens! Regarder Jésus me regarder quand nous sommes tous deux en croix et qu'il m'affirme que je suis déjà avec lui ou quand il prie son Père de me pardonner parce que je ne sais pas ce que je fais... Regarder Jésus me regarder quand je tremble à imaginer des pierres levées contre moi...ou quand j'entasse des cailloux qui pourront lapider... Regarder Jésus me regarder quand je viens de faire comme si je ne le connaissais pas... Et pleurer de joie quand je vois dans ses yeux un amour plus qu'humain, un amour plus fou encore que celui d'un parent de chair et de sang! Je sais maintenant le chemin! Qui regarde Jésus dans les yeux sait que son regard ne peut être qu'un regard où transite le feu brûlant de l'Amour même!

Mais voir Jésus c'est aussi rencontrer l'Être humain dans sa vérité vraie! Pilate répond lui-même à son «qu'est-ce que la vérité» quand il proclame son «Voici l'Homme!»: un regard plein d'Amour! Comment faire des œuvres plus grandes que celles de Jésus sans, à travers lui, sentir Dieu me regarder plus amoureusement qu'un père, une mère ne sauraient faire? Que je me voie dans ses yeux et lui dans les miens!

Jn 14, 15-21: Jamais orphelins!

Les générations passent! Un jour ou l'autre on est orphelin de ses parents! C'est plus difficile quand quelqu'un est encore petit; fragile, il doit se débrouiller, compter sur les autres! Jésus affirme qu'il n'est pas question pour lui de partir en laissant des orphelins, il va demeurer avec les siens. Certains ne le verront pas mais les siens le verront vivant. Mais où le verront-ils? Jésus dit : ils se verront eux-mêmes vivants. La vie est lumière!

Saint Paul a sûrement compris cela pour écrire : «l'espérance ne nous décevra pas car l'Amour a été répandu dans nos cœurs par le Souffle Saint qui nous a été donné!» À notre origine le Souffle divin est en nous mémoire vive d'une promesse à tenir. Avec Jésus, nous naissons de Dieu comme ruisseaux de la Source. Heureux le ruisseau qui voit la source en lui et dans les autres!

J'ai demandé à des personnes intellectuellement handicapées comment un ruisseau connaît sa source. Une femme murmure: «c'est la même eau»! Elle exprimait spontanément une vérité tellement simple: ruisseau et source sont la même eau. Vivre, ce serait donc naître et croître à même la source d'Amour! Aimer quelqu'un, n'est-ce pas lui dire qu'il ne mourra pas! Un ruisseau peut-il devenir orphelin d'une source intarissable?

Nés d'un même Amour, même s'il a germé dans des terres différentes, nous sommes tous et toutes des vivants à jamais. Nous n'aurons jamais à nous débrouiller seuls, son Souffle nous anime du dedans et atteste notre parenté avec Jésus ressuscité. Fragiles, nous pouvons compter sur sa présence réelle qui se manifeste dans tous les êtres humains nés du même Amour: nos frères, nos sœurs. Heureux les cœurs purs, leurs yeux voient la Vie dans tout ce qui vit!

Jn 14,15-21 : Je reviens vers vous!

Jésus nous révèle aujourd'hui le secret de son message de confiance: nous sommes des greffé-e-s de son Souffle! Souffle de Vérité dont on flaire la Présence! Non, nous ne sommes pas orphelins, ni de frères ni de sœurs, ni de Père comme Source de nos vies!

Saint Paul écrit, avec raison j'espère: «l'espérance ne nous décevra pas car l'Amour a été répandu dans nos cœurs par le Souffle Saint qui nous a été donné!» Nous sommes nés pour aimer. Dès notre origine, au fond de nos êtres, est mise en mémoire vive la commande de l'Amour. Jésus a fidèlement obéi, de tout son être, à cette commande intérieure dont le Souffle le guidait vers sa Vérité. C'était toujours pour lui l'heure d'aimer.

Nous sommes comme les ruisseaux d'une même Source. Heureux le ruisseau qui se fie à sa source! La source «ne gèle pas en hiver», « ne vend pas son eau», «n'arrête pas de couler même si personne ne la reçoit», ont dit les sages! J'ai demandé à des personnes intellectuellement handicapées comment un ruisseau connaît sa source. J'entendus une jeune femme murmurer tout bas : «c'est la même eau»! Elle venait de me révéler une vérité tellement simple! Le ruisseau et la source sont de la même eau, le ruisseau naît sans cesse de la source. Ainsi, quiconque aime doit bien naître sans cesse de la source de l'Amour, il connaît la source.

Voir Jésus vivant, c'est nous voir vivants. Croire, c'est peut-être dire oui à ce que nous sommes, à l'amour, être prêts à tout pour vivre. Que dire de plus? Je ne sais pas! Mais je désire dire oui à l'amour et, quand je le fais, c'est déjà bon comme la Vie, ça ouvre sur tellement plus grand!

Jn 14, 15-16, 23b-26 : Tel est Jésus, telles, tels nous sommes! 

«Le plus bel hommage que vous pouvez rendre à votre tante, disait un prêtre dans l'homélie des funérailles d'une dame très âgée, c'est de continuer à faire en mémoire d'elle ce que vous aimez d'elle...». Aujourd'hui, Jésus nous greffe de son Souffle et le plus bel hommage à lui rendre, c'est de continuer à faire en mémoire de lui ce que nous aimons de Lui. Nous avons en nous son Souffle comme mémoire de lui qui aiguise notre réflexe de l'Amour dans les diverses situations du quotidien.

Jésus ressuscité nous donne l'Amour, globe de feu non pas confié à quelques personnes pour le gérer, mais comme un Feu dont chacun, chacune a reçu une façon unique de le manifester. À chaque disciple sa langue de feu pour parler l'Amour afin que toute personne puisse sentir qu'elle est aimée, dans un langage qu'elle comprend au bon moment de sa vie. Langage du cœur qui transite par les sens!

À chacun, chacune sa langue de feu pour continuer à faire, à même le Souffle de Jésus, ce qu'elle aime de Lui, c'est-à-dire l'une ou l'autre de ces œuvres de Dieu qui donnent vie aux personnes qui lui sont données à aimer. Ce doit bien être cela une vocation particulière allumée au même et unique feu de l'Amour. Que chacune, chacun, soigne, enseigne, accueille, visite, négocie, nourrisse ou habille etc sous la poussée, l'inspiration en elle, en lui, de la mémoire vive de Jésus.

Respirons du Souffle de Jésus et que s'affine en nous le réflexe de l'Évangile qui est celui de l'amour. Que nos paroles, gestes, attitudes, regards, démarches et jugements partent, non des souvenirs, blessures ou frustrations du passé, mais du lieu où loge la mémoire de notre commune origine.  

Jn 14, 23-29 : Si vous m'aimiez!

«Si quelqu'un m'aime!» «Si vous m'aimiez!» Les «si» de Jésus m'interrogent! «Si» de chantage ou de promesse? Ou les deux? Ou un autre «si»? À force de ruminer les paroles de Jésus dans la prière, j'en arrive à pressentir que les «si» de Jésus manifestent plus une conséquence qu'une condition, le signe évident d'une fidélité nourrie et féconde.

Si une plante fleurit, c'est signe qu'elle correspond à la force vitale du germe qui l'habite. Aimer Jésus, aimer les frères et sœurs de Jésus, ne peut être que la fleur d'une fidélité au germe de l'amour, la parole téléchargée en nos cœurs dès l'origine. Cette Parole vient d'un Dieu Père et Mère. Parfaitement accomplie en Jésus, cette parole nous engendre nous aussi du dedans, fils et filles et son Amour.

Comment aimer Jésus au point de nous réjouir qu'il retourne à Dieu? Si une plante se réjouit de voir disparaître ses fleurs, c'est qu'elle entrevoit les fruits dont les fleurs annoncent la venue. Si elle se réjouit de voir tomber ses fruits quand vient l'automne, c'est qu'elle sent un nouveau printemps se préparer secrètement en elle... Nous réjouir du départ de Jésus serait donc le signe que nous pressentons une autre venue... Mais restons-nous seuls en attendant? Retournerons-nous à Dieu nous aussi ?

À mon tour d'adresser un «si» à Jésus : Si tu me demandes cette confiance, Jésus, me donnes-tu ce qu'il faut pour m'abandonner? Jésus répond : «l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit». La réponse qui éclaire les «si» de Jésus autant que les miens, c'est le Souffle de l'Amour, mémoire vive de Dieu en nos cœurs. Il est la signature divine d'une assurance-Vie.

Jn 14, 46-53 : Tu avais promis!

Les enfants sont très sensibles aux promesses qu'on leur fait! On ne promet que ce qu'on a et qu'on est prêt à donner, à partager! Rien de plus dommageable pour l'apprentissage de l'espérance chez un petit enfant qu'une promesse non tenue. Ce serait pendant sa première année de vie qu'il apprend à espérer. Car on l'habitue peu à peu à attendre : la tétée, le bain, le changement de couche. L'attente peut s'accompagner de cris et de larmes, mais, de grâce, qu'elle soit tenue au bout d'une limite de temps qui s'étire d'une fois à l'autre! 

Notre cœur est-il sensible à la promesse du Père? Que peut-il nous promettre qu'il ne prenne de lui-même et qui est vital pour nous? Comment espérer quand le temps s'étire à n'en plus finir? Quand tout semble à feu et à sang? Quand le souffle nous manque? 

Jésus promet ce que son Père lui a promis. Il sait en qui il a mis sa confiance! Dans les épreuves qui l'ont fait crier jusqu'à suer des gouttes de sang, il espérait envers et contre tout. Quand il aura expérimenté, au-delà des ténèbres et du tombeau, que la promesse du Père est tenue, il nous communiquera le Souffle qui a accompli en lui sa promesse de Vie...Le Souffle de Dieu, indestructible, a fait ses preuves en Jésus, le premier-né d'une grande famille. Ce Souffle : voilà l'unique promesse de Dieu ; c'est aussi l'unique promesse de Jésus. Nous sommes porteurs, porteuses de cette promesse! Le Souffle, à l'origine de tout, nous amène à notre accomplissement au-delà la limite du temps.

Acceptons de nous retirer parfois, comme Jésus le faisait et comme il invite ses disciples à le faire, pour entendre LA promesse qui nourrit notre fiévreuse attente d'une Terre promise!

Jn 15, 9-17 : Nous sommes des choisi-e-s!

Quand j'anime une retraite, je suppose que chaque personne choisit d'être là comme je le choisis moi-même. Je réalise souvent que, mystérieusement, quelqu'un d'autre nous choisit pour être là ensemble, au même endroit et en même temps.

Dans les lieux humains où nous vivons et dans le temps qui est le nôtre, Jésus dit que c'est lui qui nous a choisis, établis, mis en urgence de départ pour donner du fruit et du fruit qui demeure. Il nous dit même quelle semence porte en germe le fruit durable alors que tant de choses, de modes, de résolutions passent si vite! Non seulement il nous dit la semence, mais il nous parle du terreau!

Nous sommes en Dieu comme chez-nous, citoyens de sa demeure. Dieu désire faire de nous son terreau pour que circule entre tous les humains que nous sommes l'amour dont il nous aime en son Fils! Que dire après cela? Comment ne pas goûter la joie! L'amour est notre seule urgence, notre commande intérieure, notre mot de passe et notre prière. Jésus a obéi jusqu'au bout à cette commande du cœur qui désire se faire chair de notre chair pour donner vie par le don de la vie de chaque personne!

Mais pourquoi est-ce si difficile d'aimer? Serait-ce que l'amour est aptitude à la relation et là ce n'est pas évident! L'amour qui nous lie à Dieu donne vie quand il circule librement entre nous. Un instinct, du plus profond de nous, humains de partout, nous presse en secret de nous aimer mutuellement, de prendre soin les uns des autres, de nous donner la main, le regard, l'écoute, le pain et la paix, la vie quoi! Au bout de nos pas, nous serons ensemble dans notre Demeure au repas de l'Amour.

Jn 15, 26-27; 16,12 : Promesse unique: le Souffle!

Jésus fait une seule promesse : le Souffle qui était là depuis l'origine et qui garantit la durée! Comme les disciples, nous craignons de manquer de souffle pour traverser les épreuves de la vie, peur de finir par le perdre pour de bon!

Inlassablement, Jésus redit cette promesse aux disciples inquiets de savoir comment ils prieront, réagiront devant les tribunaux, feront les œuvres que Jésus fait, découvriront la vérité quand il sera parti. Tout semble si simple avec lui! Jésus répond chaque fois : «ne craignez pas, je vous passerai mon Souffle». Comme s'il ajoutait : «Mon Père ne nous trompe pas! Bientôt, vous serez greffés du Souffle de Dieu qui accomplit toute sa promesse en moi. Ce Souffle sera ma mémoire en vous! Je n'ai d'autre promesse que celle qui nous unit depuis l'origine de tout : le Souffle de Dieu!»

Que dire après cela? Sinon prendre conscience de ce Souffle silencieux qui nous engendre à chaque instant fils et filles du Père! Il pousse par en dedans pour nous accomplir dans l'Amour et nous faire produire des fruits durables tout au long de notre traversée! De quel amour nous sommes aimés! Dieu s'est fait notre frère pour nous greffer d'un Souffle devenu compatible à l'humain! Ce Souffle a traversé en Jésus l'épaisseur du péché et la nuit de la mort, sa chair a éclaté, son Souffle est répandu dans l'univers! Le péché et la mort n'ont plus force de loi, ils sont enlevés! Que précieuse est la vie! Le Souffle reçu en est la garantie!

L'espérance ne peut décevoir, assure saint Paul, car l'amour toujours présent agit dans le monde par le Souffle qui nous est donné! Sinon, l'univers serait déjà anéanti! Respirons donc au rythme d'un même Souffle!

Jean 16, 12-15 : Dans la fluidité de l'Eau vive.

À la fin de sa belle grande prière à son Père, Jésus demande que l'amour qui circule entre le Père et lui coule aussi en nous et entre nous... L'eau des sources ne se donne-t-elle pas par des réseaux aux milliers de canaux pour abreuver tout ce qui vit? Si tout l'amour qui appartient à Dieu passe en Jésus, il coule donc aussi en nous et ne demande qu'à se donner toujours neuf en passant par nous. Comment l'espérance peut-elle nous manquer tant que la Source est Source et qu'elle «ne vend pas son eau»?

Il m'arrive de traverser des villes aux heures de pointe. J'écoute la personne qui, du haut d'un hélicoptère, informe de l'état du réseau routier: bouchons de circulation, accident, travaux, etc. Un psaume dit que, du haut du ciel, Dieu regarde la terre. Je l'imagine qui nous informe de l'état du réseau de circulation de l'Amour. Ne nous désire-t-il pas comme un magnifique circuit de distribution de son indéfectible Amour? Ne nous surprenons pas de constater combien font mal à l'univers les occlusions d'amour, ces bouchons de circulation entre les religions, les peuples, les générations, les cultures, les étages ou les pièces d'une même habitation, les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, etc...

Quand nous traçons le signe de la croix à la hauteur, la profondeur, la longueur et la largeur de notre être, nous confessons aux yeux de tous que nous sommes intégré-e-s au réseau de l'Amour trinitaire à titre de fils, de filles de Dieu. Dieu est notre Père en étant Père de Jésus; le Souffle qui renouvelle sans cesse leur relation est le lien invisible qui, par toutes sortes de jointures et d'articulations, tient tout ensemble dans l'Univers.

Jn 18, 33b-37 : Jésus, es-tu mon roi?

Pilate, incroyant selon les Juifs, dit que Jésus lui est livré. Jésus répond qu'il a été livré aux Juifs qui sont, eux, des croyants. Dans la peau de Pilate, de mon lieu d'incroyance, j'interroge Jésus: «es-tu le roi des croyants?» Jésus me demande si je dis cela de moi-même ou si d'autres m'ont dit cela. Je réponds : «ai-je moi la compétence des croyants qui m'ont dit cela? Ta communauté et ses responsables t'ont livré à moi...; qu'as-tu donc fait?»

Étonnée j'entends Jésus me répondre comme à Pilate : «ma royauté ne vient pas de ce monde, car si c'était ainsi, des gardes se battraient pour que je ne sois pas livré aux mains des croyants». Je dis à Jésus : «Alors, tu es roi?» Jésus me dit : «Maintenant, c'est toi qui dis que je suis roi...Je suis né et venu dans ce monde pour y être témoin de la vérité. Si tu as des connivences avec la vérité, écoute ma voix».

Jésus, des croyants m'ont appris que tu étais notre roi. C'est nous et nos chefs qui te livrent sans garde non pas d'abord aux incroyants comme Pilate mais à l'incroyance des croyants eux-mêmes. Jésus, je désire demeurer fidèle à ton école de vérité avec la petite part de foi qui est mienne

dans ce que tu partages sur le Mont des béatitudes. Tu t'es révélé, manifesté dans ta vérité la plus pure: l'amour. Je gravis la montagne et m'assois près de toi pour écouter, avec un cœur plein de désir, le secret de ta royauté. Ajuste nos cœurs de croyants sur l'amour pour que vienne ton Royaume de justice, de paix, de fraternité. 

Jn 20, 1-9 : Quand il fait encore sombre!

Souvent il fait encore sombre quand nous allons auprès du corps d'un être cher confié au salon funéraire. Même si c'est de grand matin! Nos yeux brouillés supportent mal les rayons du soleil levant. Nos cœurs «chagrinés» sont peu ajustés à la lumière! Trop de souvenirs ont sombré!

Combien de temps faut-il pour voir la pierre enlevée du tombeau des personnes qu'on aime comme celle enlevée du tombeau de Jésus? Vers qui allons-nous, affolés, pour dire que nous ne savons pas où sont rendues ces personnes que nous avons aimées? Certains se mettent à courir, comme Pierre et Jean, pour essayer de savoir. Les personnes qui aiment courent plus vite peut-être et, par gêne ou respect, laissent les autres passer devant, ceux-là ou celles-là qui n'aperçoivent que les quelques reliques laissées là, souvenirs sans âme qui sentent encore l'odeur des disparus! Combien ruminent, tristement seuls, ces interrogations qu'ils n'osent guère partager!

Mais la personne qui aime et qui se sait aimée, comme le disciple Jean, a peut-être, la première, cette intuition d'une présence. Comme si sa peau était effleurée par le Soleil levant! Comme si, se sentant à nouveau reliée à l'être aimé, elle expérimentait la relation qui ressuscite autrement, tellement autrement...

Alors la pierre est roulée! Le cœur exulte, tout prend sens! La mort n'est plus. La vie est vivante puisque la relation est là pour rester... jamais plus limitée au temps, à l'espace. Partout, à chaque instant, les êtres se rencontrent dans l'infinie Présence! Si c'était cela l'amour plus fort que la mort, la lumière victorieuse des ténèbres! La mort est une contrariété terrible, mais j'ai la certitude que le désir de relation durable ne peut être trompé! Nés pour aimer, pourquoi ne vivrions-nous pas à jamais en Jésus ressuscité?

Jn 20, 1-18 : Résurrection Alléluia!

Alléluia, mon âme! Tressaille de joie. Ton frère était mort, il est vivant. On le croyait disparu comme un fils qui aurait gaspillé son avoir avec des pécheurs et des pécheresses, mais non! Tes sœurs ont senti sa présence ce matin au lever du jour et elles ont été bouleversées. Elles avaient gardé les yeux fixés sur son corps enseveli, trop assoiffées pour abandonner! Leur âme ne leur avait pas menti...

Alléluia, mon cœur! Ton frère n'a jamais lâché dans son amour pour toi. Né pour aimer, il a aimé plus loin qu'à l'extrême! Il est vivant! Tes sœurs en étaient certaines ce matin à l'aube du jour nouveau tellement leur cœur a tressailli quand il s'est manifesté. L'une d'elles a eu le cœur chamboulé à nouveau quand il a prononcé son nom avec tant de suavité. 

Alléluia, mon corps! Le corps de chair de ton frère est tout de lumière. Tu comprends qu'on ne le reconnaît pas sous des traits chaque fois différents. Tes sœurs ont été les premières à l'apprendre. L'une d'elles l'a pris pour le jardinier. Quand elle a reconnu sa voix, elle a même voulu le retenir... pour le garder. Mais non, on ne peut plus mettre la main sur son corps trop brûlant de Vie.  

Alléluia, tout mon être! Ton frère fait maintenant corps avec chacune, chacun de nous. Tu es de la même trempe que lui. Tu es chargé avec tes sœurs d'annoncer cette grande nouvelle à tes frères encore tout peureux: «je monte vers mon Père et votre Père!»

Alléluia, mon Église! Le souffle de notre frère est répandu; écoutons bien, il nous rappelle toutes choses pour que nous soyons, ici et maintenant, mémoire de Lui et mémoire d'Elle. Nous sommes son corps et son sang. Les pauvres sont toujours avec nous! 

Jn 20, 11-18-: «Va trouver mes frères» 

Il y a de la résurrection dans l'air! Une nouvelle inouïe nous est confiée ce matin: nous sommes tous frères et sœurs!

Impossible d'isoler Jésus ressuscité, de vouloir le toucher en imagination pour le retenir. Ni isolé ni fantôme, il entre toutes portes closes. En proclamant la mort du Seigneur Jésus et en célébrant sa résurrection, nous célébrons non seulement celles de Jésus, mais celles du corps de Dieu tout entier, ce corps que nous sommes! La tête de l'humanité, passée de ce monde au Père, jamais séparée de son corps, attire tout vers le Père, même l'univers matériel, lui qui espère tant, des enfants de Dieu que nous sommes, une alliance de communion visant l'harmonie. La croix, devenue lumineuse, nous dit que, dans les abominables chaos du monde, travaille inlassablement le souffle d'amour d'un ciel toujours nouveau pour engendrer une terre nouvelle.

Croire en la résurrection, c'est prendre tout de nous et marcher en misant sur le seul pouvoir, l'unique sagesse de l'amour qui seul ressuscite ce qui meurt. C'est continuer à faire, «en mémoire de Jésus», ce que nous aimons de Lui. Notre relation au Ressuscité commence quand une personne, sur sa route, «se fait proche de son prochain»!

En route, « cherchez à imiter Dieu comme des enfants bien-aimés, suivez la voie de l'amour à l'exemple de Jésus Christ qui nous a aimés et s'est livré pour nous» (Ep5,1). «À ce signe on reconnaîtra que vous êtes mes disciples» et que «je suis vivant!», nous redit le Ressuscité! L'amour qui nous brûle le cœur, et le déchire aussi peut-être, chante en primeur ce matin l'alléluia d'une victoire, victoire tant de fois promise. 

Christ vivant murmure mon nom avec amour et dit : «Va trouver mes frères, mes sœurs..»

Jn 20, 19-23 : Passeurs de Souffle! 

Page d'Évangile parmi mes préférées : la Pentecôte vue par saint Jean. Le Ressuscité entre, toutes portes closes, là où les disciples sont verrouillés par la peur. Il se tient au milieu d'eux, souhaite la paix, montre les marques laissées dans son corps par les événements des derniers jours. Comme au premier moment de création, le Vivant leur communique son Souffle de ressuscité pour qu'ils deviennent communauté de passeurs du Souffle. Ce sont des disciples greffés du Souffle vainqueur de la mort et du péché que Jésus envoie dans le monde comme le Père l'a envoyé. 

Le péché, dans saint Jean, c'est ce qui couple le souffle, empêche de vivre, ce qui brise les relations au lieu d'en prendre soin. Par le souffle qu'il donne aux disciples, Jésus désire aimer avec eux, en eux et par eux le monde tant aimé du Père. Nous sommes des communautés où l'amour est donné pour circuler librement, guérir et relever. Le fruit de l'amour, c'est la vie dans tous ses états et manifestations!

J'ai le sentiment que les communautés sont toujours à déverrouiller de leurs peurs. L'Église, pourtant belle, est verrouillée. Mais mon cœur se réjouit en réalisant que le Vivant entre encore toutes portes closes, souhaite la paix, montre ses plaies, partage son souffle et envoie ses disciples les uns vers les autres. Bien sûr, les êtres humains sont loin d'être tous ensemble pour accueillir le Ressuscité. Il manque toujours quelqu'un ou quelqu'une. Même quand nous vivons quelque chose de très beau, il y a trop souvent une ou quelques personnes qui n'entrent pas vraiment dans le jeu. Tout le groupe se sent encore verrouillé d'une certaine façon... en attente d'une nouvelle visite... et il revient le huitième jour quand tous sont là, le Ressuscité! 

Jn 20, 19-31 : Qui peut croire sans voir? 

Le ressuscité entre toutes portes closes. Heureusement! Car les disciples doivent être deux fois déverrouillés. Une première fois, de la peur, mais de quoi donc la deuxième fois?

Jésus répand son Souffle sur ses disciples et les envoie... Huit jours plus tard, ils sont encore verrouillés. Thomas, absent la première fois, est là maintenant. On lui a dit : «Nous avons vu le Seigneur!» J'ai l'intuition que Thomas, loin d'être naïf, nous fait découvrir la clé de l'autre cadenas. Il garde sûrement souvenir des avertissements de Jésus invitant au 'doute critique' quand on parlerait de son retour : «On vous dira qu'il est ici ou là, ne le croyez pas!» Thomas, averti, ne veut rien entendre d'un fantôme. Il a connu son maître marqué de blessures. Il demande, pour le reconnaître, de toucher ses mains et son côté.

Thomas vient, me semble-t-il, briser le verrou d'un certain idéalisme ou perfectionnisme, cet état d'esprit qui fait qu'on s'aimerait soi-même si on était parfait, qu'on aimerait l'Église si elle n'avait pas telle blessure, qu'on aimerait l'autre si ce n'était son fameux défaut. Illusoires fantômes, car ça n'existe pas cette réalité-là! Quand des jeunes ou une nouvelle communauté disent vivre une relation paradisiaque, j'ai envie de répondre : «Si je ne mets ma main dans vos plaies, je ne croirai pas!».

Le ressuscité n'est pas un fantôme. Nous sommes son corps, corps aux mille blessures, mais engagé dans un lent processus de transfiguration. Heureux qui croit en l'autre maintenant; heureux qui croit en son enfant sans attendre de voir ce qu'il peut devenir... Heureux qui a cru en Jésus quand il vivait tout près des gens, humble habitant de Nazareth! Heureux qui croit en Lui présent aujourd'hui dans toute chair, même défigurée!

Jn 20, 19-31 : Libres pour sortir

Jésus entre toutes portes verrouillées! Vu du côté de Jésus, ça m'encourage à ne pas m'inquiéter des verrous. Jésus donne son souffle aux disciples et les envoie. Pourtant, huit jours après, ils sont encore cadenassés... Qu'est-ce qui empêche donc les disciples de sortir?

L'évangile nomme le premier verrou : la peur des Juifs. Jésus fait sauter ce verrou en disant: «La paix soit avec vous!». Puis il montre ses mains, son côté. Jésus a vaincu la mort, avoir peur des Juifs n'a donc plus sa raison d'être! Les disciples pourraient sortir! Quel autre verrou les garde, frileux, en dedans? 

La présence ajoutée de Thomas, la semaine suivante, livre peut-être un secret. Je parie que le cœur de Thomas entend, lorsque les autres lui disent avoir vu le Seigneur, l'avertissement donné par Jésus avant de mourir : «Si on vous dit : le Seigneur est là ou là...ne croyez pas». Thomas ne veut pas d'un fantôme! Pour croire, Il désire voir Jésus comme il l'a connu, toucher les marques de ses plaies! 

Cette réaction de Thomas, prise au sérieux par Jésus, laisse deviner le deuxième verrou : l'exigence d'une certaine «perfection», «correctitude», qui imagine des modèles sans défauts, alimente les jugements, cloître au-dedans pour éviter souillures, échecs. Jésus n'a pas un corps parfait. Il n'existe pas autrement que dans un corps blessé, qu'on le nomme Église, univers, Pierre ou Marie! Vouloir que notre corps soit sans défaut pour l'aimer, c'est rêver aimer un fantôme!

D'ailleurs, l'appel répété du Père François tisonne patiemment nos cœurs : sortir sans peur vers les périphéries existentielles de toutes les misères. Heureux les «Thomas» qui demandent, pour croire, à toucher le corps blessé de Dieu! Poussés par son Souffle, libres, ils ont l'audace de suivre Jésus hors des cénacles fermés! 

Jn 20, 19-31 : Portes closes!

Joie sur terre : Jésus ressuscité entre «toutes portes closes»! Comment suivre Jésus dans la voie de l'amour sans être greffés de son Souffle?  Lui seul déverrouille les portes de l'esprit et du cœur. Le premier verrou est celui de la peur. Tant de peurs nous empêchent d'être libres pour sortir au grand large! Le souffle de Jésus libère de toute peur. Mais la peur-clé est peut-être celle de souffrir!

Jésus ressuscité ouvre un deuxième verrou. Pas le moindre! L'apôtre Thomas m'aide à le découvrir. Absent lors de la première visite de Jésus au milieu de siens, il est présent huit jours plus tard. Mais les autres disciples, pourtant déjà envoyés par Jésus, sont encore verrouillés...Par quoi? Thomas n'est pas sans se souvenir de l'avertissement donné par Jésus de ne pas se laisser berner quand il reviendrait de la mort: «Si on vous dit que le Christ est là, ne le croyez pas!». Thomas ne veut pas d'un Jésus-fantôme. Il demande à voir les plaies que Jésus a d'ailleurs montrées aux disciples huit jours auparavant. Je pense, confirmée par l'expérience, que le deuxième verrou qui bloque la fluidité de l'amour, est celui du «perfectionnisme» ou de l'idéalisme.

Qui n'a pas entendu : «Je m'aimerais ou j'aimerais mon Église, ma compagne, mon compagnon si elle ou il n'avait pas tel défaut...!» N'est-ce pas  vouloir aimer un fantôme, car cette personne ou cette institution n'existe pas!  Quand un jeune couple ou un nouveau petit groupe dit : «c'est le paradis chez-nous!», j'ai envie de dire : «si je ne vois pas vos plaies, je ne croirai pas!»...

Le corps du ressuscité est un corps bless : le mien, le vôtre, notre famille, notre Église... Heureusement, le Souffle de Jésus ouvre les cœurs au réalisme de la compassion! 

Jn 21,1-14 : Sans ou avec Jésus! 

Sans Jésus, nuit stérile! Avec Jésus, filet débordant de poissons! Ça ressemble au souvenir, noté par Luc, du jour où Simon dit à Jésus : « sur ta parole, je vais lancer les filets! ». Ce jour-là, Jésus donne à Simon le nom de Pierre! 

Dans le récit de Jean, j'ai le sentiment que Simon peut devenir Pierre pour vrai...Sans avoir encore apprivoisé la présence de Jésus ressuscité, il retourne à son ancienne profession. Chef, il appelle les autres à pêcher avec lui. Tous montent dans sa barque pour une nuit frustrante...Au lever du Jour, Jésus, sur le rivage, leur demande avec un brin d'ironie : «les enfants, auriez-vous du poisson?» Un non sec, comme réponse! Comme un chef, Jésus commande : «Jetez les filets à droite, vous trouverez!» Tant de poissons trouvés qu'ils ne peuvent tirer le filet! 

Celui que Jésus aimait sent que c'est le Seigneur, le dit à Simon-Pierre qui passe un vêtement et se jette à l'eau. Serait-ce le vêtement nouveau dont parle Pape François : la communauté humaine? J'aime la suite du récit! Jésus demande de leur poisson frais. Le feu de braise est prêt, le pain aussi. Aucun disciple n'ose vérifier s'il est le Seigneur, car ils le savent, au-dedans! 

Quelle pêche réussie avec Jésus dans la barque! Quel chef sera Simon, désormais habillé en Pierre, s'il accepte que Jésus est l'unique chef de la barque qui est la sienne! Qu'un autre disciple, plus rapide que lui, flaire le premier la présence du Vivant, mais que c'est lui, le premier, qui se jette à l'eau. Que c'est Dieu qui donne poisson, feu et pain. Que nous, Lui toujours présent, avons à pêcher en eau profonde, à nourrir le feu, à apprêter ce que Dieu nous donne pour le partager. Alleluia!

Jn 21, 1-14 : Efficacité/fécondité!

Par qui Jésus se manifeste-t-il à nous, comme autrefois à Pierre et aux autres, pour nous amener à passer de l'efficacité à la fécondité puisque sans lui nous ne pouvons rien faire?

Un jour d'après tombeau vide, des disciples, invités par Pierre, retournent pêcher avec lui toute une nuit sans rien prendre. De retour au petit matin, ils ne reconnaissent pas celui qui leur demande quelque chose à manger. Ils lui avouent n'avoir rien pris. Puis ils vont de nouveau en mer, non pas unis à Pierre seul cette fois, mais liés ensemble, Pierre et les autres, par la parole de l'inconnu qui leur dit d'aller jeter les filets! Revenus avec quantité de poissons, l'un d'eux, celui qui se sait aimé, flaire la présence de Jésus et la nomme; Pierre, qui se trouve nu, accueillant spontanément la parole de l'autre, prend un vêtement et se jette à l'eau le premier. Le voilà donc «chef» revêtu à la Jésus, car sans Lui il ne pourra rien faire sinon viser, avec d'autres, l'efficacité d'un système. Dieu seul donne le poisson à ceux ou celles qui connaissent leur métier! Mais le poisson donné est pêché pour être partagé avec toute personne affamée de Présence.

Revenant souvent bredouilles, par qui nous arrive la parole qui pousse au large, nous unit non seulement entre nous mais en celui qui multiplie les dons pour donner des fruits bons à manger? Vouloir demeurer en Dieu comme sarments d'une même vigne, c'est réaliser qu'en dehors de lui, même avec nos connaissances et à la suite d'un bon chef, nous ne pouvons produire des fruits durables d'humanité. Le secret : reconnaître la même voix, accueillir la même sève, conjuguer les différents dons reçus pour expérimenter que toute fécondité vient, passant par nous, de l'unique Source.